LAO SIU LEUNG PAK MEI KUNE

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lundi 25 février 2019

Connaissances additionnelles ou pratiques multiples ?




Dans les arts martiaux, nous pouvons rencontrer de nombreuses personnes allant manger à tous les râteliers ; j'entends par là, des pratiquants qui récupérèrent à droite et à gauche des techniques pouvant enrichir leurs compétences. En ce qui concerne les arts purement chinois, c'est une pratique très répandue, des touche-à-tout essayant une forme par ci par là. En matière de développement de réactions instinctives, ce n'est pas une bonne chose à mon sens mais les chemins vers l’efficacité sont multiples. Pour avoir une ouverture d'esprit sur ce qu'il se fait ailleurs, il faut aller voir.
Paradoxal ?  Développons...

Chose très méconnue, nombre de maîtres ont une pratique d'au moins un style annexe, qu'ils gardent uniquement pour eux. Certains autres maîtres du passé revendiquaient eux leurs pratiques diverses sans langue de bois.

En effet, la pratique de multiples styles n’est pas rare et s’est toujours vue en Chine. De grands noms tels que Sun Lutang pratiquaient Taiji Quan, Xingyi Quan et Bagua Zhang. Certaines boxes se pratiquent associées presque invariablement ensembles telles que le Baji Quan et le Pigua Quan.
Alors pourquoi être si catégorique ?

Pour bien y répondre, commençons par déterminer les différents niveaux de pratique

Le débutant
Celui-ci DOIT travailler les bases d’un style unique en commençant par bien choisir le système qui lui correspond, dont la technicité et les qualités requises collent à ses capacités naturelles.
Enseigner à celui-ci divers styles est absurde. Il sera peut-être satisfait et aura l’illusion de s’entraîner et de toucher tout un éventail de choses, mais il n’aura aucune chance de développer quoi que soit de pérenne. Comment faire un cours de Wing Chun le lundi et un cours de Hung Gar le mardi avec des principes, des positions et des stratégies opposés ou souvent contradictoires ? Quand encore ce n’est pas une forme de Wing Chun et une de Hung Gar à la suite dans un même cours ! Beaucoup se rendent compte par eux-mêmes après une paire d’années de pratique que la progression s’en trouve faussée, les autres... vivent dans l’illusion de la pratique. (Conf l’article : “l’illusion de la pratique“)

L’élève avancé
Celui-ci a déjà développé quelque chose, a un sens du combat plus aiguisé, la structure est déjà en place... Si le professeur possède différentes pratiques, pourquoi pas... Mais tout le monde n’en est pas capable, certains élèves trouveront même que le programme d’un unique style est trop volumineux.
Quelquefois le choix se fait naturellement, l’élève souhaite lui-même persévérer dans une pratique unique, quelquefois il désire enrichir son expérience.


Le professeur
Le professeur, celui qui détient la connaissance... mais la connaissance de quoi ?
Le professeur doit être un expert, il lui incombe la tâche de montrer le chemin. Il existe bien sûr de bons et de mauvais professeurs. Choisissons le bien...
Connaître une forme par style n’est pas une expertise. Le professeur enseigne-t-il à plein temps ou se libère-t-il deux soirs par semaine pour mener sa classe ? Cette question est importante car elle pose le problème du temps ou plutôt, du manque de ce dernier.
A-t-il le temps de développer ses pratiques si elles sont diverses ? La pratique du nombre de formes du curriculum pose souvent un problème à ce niveau. Comment pouvons-nous développer divers systèmes sans temps ?
Tous les pratiquants ne l’ont pas forcément pour parvenir à tout pratiquer, à tout développer. 
L’enseignant qui possède de nombreuses formes et styles, peut lui, combler l’appétit de l’élève boulimique mais il doit bien choisir ce qu’il enseigne et à qui. Encore une fois, tout le monde n’est pas capable de tout enregistrer.


Alors finalement, pratiques additionnelles ou pratiques multiples ?

Mélanger les styles ou acquérir des connaissances additionnelles n'est pas la même chose. En premier, il faut savoir ce que nous voulons. Soit, nous ressentons un manque dans notre technique, soit nous voulons tout apprendre en grand boulimique des arts martiaux que nous sommes, soit nous sommes juste curieux d'autres choses, d'un goût nouveau.

Les pratiques multiples dans le sens où je présente ce terme ici sont liées à l’amoncellement de connaissances superficielles sans avoir préalablement acquis un système complet.
Une forme d’un style par ici, une autre par là. Butiner les fleurs comme une abeille affamée n’a pas de sens, et si c’est ce qui nous plaît, soyons conscients que nous ne toucherons que la surface de l’eau, nous passerons très probablement à côté des merveilles de corail immergées.

Les connaissances additionnelles sont, elles, plus sérieuses et sont surtout plus bénéfiques. Une fois un système maîtrisé, une structure et une stratégie développées, nous pouvons nous permettre de nous essayer à d’autres styles. Pas par centaines sinon nous rejoindrions le premier groupe, mais que ce soit pour le goût de certains autres, pour ouvrir notre esprit à la découverte de nouvelles sensations ou par envie de développer un système qui compléterait le premier, ce chemin est plus noble et surtout plus avisé.

Comprenons maintenant qu’il est extrêmement difficile de maîtriser toutes les facettes du combat. Peu de gens ont la capacité physique et intellectuelle de multiplier les pratiques.
Pour exemple, les combattants de MMA sont majoritairement spécialisés. Soit ce sont de bons puncheurs, soit de bons grapplers. Ils tentent de combler leurs lacunes en s’entraînant (sérieusement, ai-je besoin de le préciser ?) aux divers arts nécessaires à leur victoire, mais ils demeurent tout de même globalement spécialistes dans un des deux domaines. Bien sûr, leur cas est quelque peu différent et doit donc être considéré séparément. Ce sont des sportifs qui se préparent en connaissance de leur adversaire, ils étudient avant le combat les points forts de celui-ci et mettent une stratégie en place pour le contrer.

Dans la réalité, nous ne savons jamais sur qui nous tombons. Il est donc préférable de choisir dés le départ un système ayant la possibilité de donner des réponses à tout type d’attaque sans avoir à se perdre dans une multitude de disciplines.

Est-ce que cela nous empêche pour autant d’aller à la rencontre d’autres pratiquants ?
D’aller voir ce qu’il se fait ailleurs ? Aucunement, car nous aurons peut-être l’occasion d’apprécier d’autres manières de faire, tout aussi efficaces et pourquoi pas... de meilleures que les nôtres. Si ce n’est pas le cas, nous retournerons travailler avec encore plus de motivation.


Conclusion
Ne vous méprenez pas sur le message de cet article, l’intention n’est pas de condamner les pratiques additionnelles, mais les pratiques multiples sans profondeur. Il faut comprendre à quel niveau nous nous situons, être conscient de notre capacité d’assimilation et bien entendu, du temps que nous allouons à la pratique.
Au commencement il n'est pas judicieux d'aller grignoter partout. Il est plus que préférable de s’efforcer de maîtriser son sujet ; aller au bout de sa pratique initiale. Puis par la suite, lorsque nous avons une "maîtrise" ou tout au moins une expérience solide dans un art, nous pouvons nous permettre de nous essayer à autre chose. Nous avons donc notre pratique principale, celle qui nous prend le plus de temps, plus une spécificité qui nous fait plaisir ou qui nous apporte des compétences supplémentaires.

Comprenons que la maîtrise d'un style est longue. En pratiquant assidûment notre système, nous aurons toute la facilité du monde à en intégrer d’autres. Pour ce faire, un peu de travail suffira, à condition tout de même que ce nouveau système nous corresponde, physiquement et/ou qu'il ne soit pas diamétralement opposé à ce que nous pratiquons à l’accoutumée (à moins de posséder d’extraordinaires capacités d’adaptation).

Pour l'enseignant qui possède plusieurs pratiques et qui souhaite tout enseigner, il devra bien séparer chacune de ses compétences. Enseigner à des novices une chose et son contraire dans la même classe est contre-productif.

Si l'on veut être bon (excellent), si l’on veut arriver à développer des réflexes naturels spontanés, précis et efficaces, il faut former le corps dans un même sens. Nous avons tous autour de nous des pratiquants multi-cartes qui au final, ne sont pas bons à grand-chose.



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