LAO SIU LEUNG PAK MEI KUNE

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vendredi 14 janvier 2022

Stages et ouverture d'esprit, loin du sectarisme

 

    De retour du stage fédéral FFK dans lequel je rencontre de nombreuses personnes.

    Sur l’initiative de Stéphane Molard et du comité directeur de la section Wushu, une commission des arts traditionnels a vu le jour dont l’intérêt premier est d’ouvrir l’esprit sur les pratiques traditionnelles et légitimes présentes dans l’hexagone. Cette commission réunit à ce jour 19 experts représentant chacun un style spécifique. Ainsi, sont présentes les boxes Tongbei, Pakmei, Wingchun, Cha Quan, Qixing Tanglang, Taiji Tanglang, Shaolin, Taijiquan styles Yang, Chen, Sun, Wudang… Xinyi Quan, Baji Quan, Choy Lee Fut, Zui Quan, Yi Quan, Bagua Zhang…

    Lors de ces stages ouverts à tous (dont le prochain se situera à Montpellier le week-end du 30 avril et 1mai), nous accueillons des pratiquants provenant de tous horizons. Certains viennent chercher un style à poursuivre sur le long terme, tandis que d’autres viennent pour le partage et la curiosité. Tout ceci est donc très positif, mais cela fait désormais plusieurs fois que je rencontre une même problématique.

    Un certain nombre de participants sont contraints de joindre l’événement dans le secret de leurs enseignants. En effet, beaucoup me rapportent l’interdiction absolue de s’y rendre, une pression subie ou une mise à l’écart du groupe si par mégarde le fait se savait.

    Loin d’être anecdotique, force est de constater que ces comportements sont tristement courants. Ceux-ci démontrent en mon sens deux choses. Premièrement, un manque de confiance en eux de ces fameux enseignants ; il est aisé de briller face à des pratiquants inexpérimentés et ainsi réussir à faire illusion un certain temps. Secondement, un manque de connaissance historique et culturelle du développement de nos arts.

    Ces enseignants embrument généralement leurs élèves dans un épais voile mystique opaque n’ayant que très peu avoir avec la réelle “tradition“. Les dogmes d’enseignants ne s’étant pas formés en chine et utilisant des méthodes de management de leurs troupes revendiqués comme traditionnelles, n’en sont pas, n’en sont plus, ou n’en ont tout bonnement jamais été. Je m’explique…

    Les idées erronées sur la tradition tout autant que les interdictions y sont nombreuses. Les exemples sont légions et pour n’en citer que quelques-uns :  le “dojo“ sanctuaire sacré dans lequel l’élève ne peut être lui-même et doit se plier à un conformisme exacerbé, le salut du tapis ou du lieu d’entrainement, ou encore, le maître adoptant une posture faussement supérieure, sont autant de fausses coutumes n’ayant place que dans les écoles occidentales voulant se donner une stature “asiatisante“. L’impossibilité de participer à des stages d’autres écoles ou encore mieux, l’interdiction à peine dissimulée d’échanger sur les réseaux sociaux avec d’autres pratiquants (si, si, je l’ai vu) plongent l’élève dans une incompréhension de laquelle il ne peut, par habitude et conformisme, raisonnablement se soustraire. Généralement, lorsque l’élève ose et les questions sont posées vis-à-vis de ces “méthodes“ les réponses sont soit nébuleuses, soit agressives, prétextant que l’enseignement ou la doctrine de management ne peut être traditionnellement contesté.

    Il est important d’arriver à distinguer les élucubrations de la réelle “tradition“ de la transmission de l’enseignement puisé dans la doctrine confucianiste derrière laquelle ces enseignants se cachent pour justifier ces comportements déviants. Également, toute “tradition“ n’est pas, d’un point de vue moral, toujours bonne à conserver.  

    Bien qu’il soit vrai que les maîtres de l’ancien temps jouaient en effet la carte du secret, qu’il existait jadis une certaine difficulté à aller voir ailleurs ce qui se faisait, ou que, lorsque ceux-ci parlaient, les élèves écoutaient et s’exécutaient, ces temps sont aujourd’hui révolus. La situation évolua peu à peu grâce à des maîtres réformateurs. À titre d’exemple historique, je citerai de grandes institutions telle l’Association Jingwu de Shanghai ou encore le Guoshu Guan de Nankin, qui dénoncèrent et luttèrent contre ces pratiques sectaires au début du siècle dernier. Ces dernières se débarrassèrent de l’occultisme et furent les premières à proposer l’enseignement de diverses boxes dans une académie commune en partageant un même bâtiment. Les maîtres n’étaient plus en confrontation, mais travaillaient côte à côte, enseignant leur style respectif pour le bienfait que pouvait apporter l’art martial à la nation.

    Paradoxalement, ces comportements vont bien à l’opposé des valeurs communément admises et mises en avant sur les sites internet de nombre de ces écoles, à savoir, “le développement personnel, l’ouverture, l’équilibre, la quiétude et la bienfaisance“. Prenons garde à cette “spiritualité“ à deux vitesses. Lorsque la passion fait place à l’obligation, la joie à l’anxiété, l’ouverture à l’enfermement, il est temps de se poser les bonnes questions. La relation de maître à élève est à revoir entièrement. Enfermer un oiseau dans une cage n’a jusqu’à preuve du contraire jamais permis son épanouissement. Je crois personnellement que l’élève doit naturellement rester avec le professeur qui lui convient et que cela passe par le respect, les compétences, les qualités humaines et non la force. L’enseignant doit faire preuve de transparence et de bienveillance et non de réprimandes et médisances. Le maître souhaite logiquement le développement de son élève. S’il ne possède pas les compétences nécessaires, pourquoi l’empêcher de s’abreuver à une autre source ? Loin de rabaisser l’enseignant, c’est au contraire faire preuve de grandesse.

    Traditionnellement, une école de kung-fu est une communauté dans laquelle tout le monde s’entraide et se supporte. Dans mon école des couples ont vu le jour résultant sur l’achat de maison ou de construction de vie. Des relations de travail et des projets professionnels y sont nés. L’école et l’art martial peuvent être des tremplins pour une progression sociale, des véhicules vers un développement personnel, si, une fois de plus, l’enseignement y est dispensé avec bienveillance.


            Pour finir, je tiens à chaleureusement remercier et féliciter les participants à ces stages et à inviter tous ceux désirant nous rejoindre à le faire, toute école ou style confondus, "L'ouverture d'esprit n'est pas une fracture du crâne" Pierre Desproges (1939-1988).

                                              

            Wulin Yi Jia   

           “La confrérie martiale n’est qu’une même famille