LAO SIU LEUNG PAK MEI KUNE

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lundi 21 mars 2016

Tradition orale,histoire, légende... Un problème de véracité


Aujourd’hui, brisons quelques mythes.

         Je pense être en mesure de pouvoir avancer que j'aime plus que qui conque les légendes
et mythes issues de la culture des arts martiaux. Côtoyant des maîtres régulièrement et étant en recherche constante sur l’histoire des guerres dynastiques chinoises et de leurs techniques, j’ai pu remarquer des incohérences entre la tradition rapportée oralement et les faits historiques.
 Les anglais, dans la richesse de leur langage, font une distinction claire entre la notion d’histoire au sens romanesque et l’histoire au sens propre. Ils utilisent les mots de « story » pour le premier et « history » pour le second. Intéressons nous à l’ensemble, écoutons donc les histoires (au sens légendaire), mais portons plutôt notre attention sur l’Histoire avec un grand H.

En effet, certaines théories se colportent de façon systématique dans le milieu des arts martiaux. Les gens répètent généralement sans le moindre sens critique ce qu’ils ont entendu. Si vous recherchez au delà de ce qu’il est transmis de façon systématique, vous ne tardez pas à réaliser l’étendu du fossé existant entre les faits historiques, (basés sur des registres historiques officiels) et la tradition orale

Nous rencontrons dès lors plusieurs problèmes :
  •   Il est fréquent que les époques ne concordent pas avec les faits avancés.
  •     Que la création des styles soit attribué à un personnage n’ayant jamais existé.
  •     Que des liens soient faits vers des lieux fameux n’ayant aucuns rapports.
  •     Qu’il soit colporte des idées grotesques en total inadéquation avec la réalité historique de l’époque etc....
Toutes ces incohérences perdurent, se répétant inlassablement. Tentons svp d’y mettre fin. Cessons de colporter des absurdités en les vendant comme historiques ou logiques.  

Afin d’argumenter ce que j’avance, je vais vous exposer certaines idées reçus très largement répandu. 

- Les histoires des différents styles sont tout bonnement à 80 pourcents du temps totalement inventés. La raison est simple, la promotion du style. Il est bien plus vendeur de raconter à ses disciples que les techniques qu’ils pratiquent proviennent d’un ancêtre secret, recherché par le gouvernement, qui a tué mille hommes et qui s’est réfugié dans une grotte y méditant 5 ans observant les singes de la montagne se faire la bataille (!), que de dire que c’est lui qui vient de les créer combinant les enseignements conjoints de son oncle et du chef de la milice de son village natal. Les personnages ne sont pour la plupart du temps jamais historiquement identifiables.

- Autre cas, les lignées vietnamiennes se proclamant descendantes des techniques de boxes du fameux temple de shaolin et s’arguant d’un système vieux de 300 ans d’âges. Alors que vous pouvez voir clairement que les enchaînements n’ont que très peu avoir avec les arts martiaux chinois pratiqués respectivement dans la province du Henan pour le shaolin du nord et du Fujian pour ceux du sud. Qui plus est, grâce à des textes antiques tel le traité de la dynastie Ming du fameux général Qi Jiguang le Nouveau Registre Des Techniques Efficaces « Ji Xiao Xin Shu 紀效新書 » décrivant clairement les styles pratiqués à son époque et surtout de quelle manière ils l’étaient, à savoir, majoritairement un seul enchaînement relativement long en comparaison de ce que nous pratiquons de nos jours.

- Des idioties également sur la pratique des armes. Nous colportons des absurdités simplement parce que nous ne connaissons pas la réelle utilité de certains accessoires. Je ne peux compter combien de fois j’ai lu sur différents forums, sur des sites spécialisés sur les arts martiaux chinois que le « pompon » placé à l’extrémité des lances est là pour distraire  l’adversaire ! ??? Alors que le « pompon » est en réalité un pare sang. Remettons nous dans le contexte ... Visualisez une armée de 3000 soldats face à 3000 autres, les lances en avant, la peur au ventre... Pensez vous sérieusement que ce crin rouge, va distraire quoi que ce soit lorsque tous ce petit monde va charger sauvagement ? Pour en rajouter, une tête de lance possède une épaisseur de deux centimètres maximum, la rendant difficilement percevable (rappelons que le mouvement de pique directe est la technique essentielle). Si l’objectif d’y ajouter un pompon rouge en son extrémité était réellement de distraire, elle aurait eu l’effet inverse… à savoir, la rendre plus visible.


Son utilité était donc de stopper la plus grosse partie de la coulée de sang le long du manche. Cela l’aurait rendu très glissant et aurait mît les soldats dans des positions très compliqués. Personne n’a envie de perdre son arme sur un champ de bataille lorsque sa vie est accroché à elle.

- Autre exemple, le foulard attaché aux pommeaux des sabres. Certainement une invention dès Mai Mo (les maîtres démonstrateurs de rue très rependu durant les années 30. Voir l’article « A la découverte des Mai Mo ») ayant pour but de rendre le show plus coloré. Lorsque nous étudions les peintures des dynasties passés, nous pouvons y voir des cordons noués en boucle passant au travers de la poignée des épées et des sabres. Leur utilité, une fois attaché au poignet du soldat, était de le prémunir de la perte de son arme dans la cohue générale.
Photo agrandie, notez le cordon attaché au poignet 

Officier Qing, San Yinku   三音

Officier Qing, Ba Ning A    阿. Vous pouvez constater que le cordon passe dans la poignée. Il n'est pas attaché au pommeau comme les foulards d'aujourd'hui.

Notez que… cela indique également que les styles internes clamant que leurs formes d’épées au pompon long d’un mètre ne sont pas si anciennes qu’ils le laissent entendre...

- Un petit dernier pour la route. Les anneaux le long de l’arrête dorsale des sabres étaient eux aussi certainement une invention des Mai Mo dans l´intérêt artistique de leur show. Ces anneaux ne sont décrits dans absolument aucun texte ancien d’aucune période. Aucune peinture ne les représente également. Tenter d’impressionner l’ennemi en additionnant 9 anneaux sur votre sabre… alors que votre sabre fait déjà un mètre de long… je suis perplexe.

Voici donc quelques exemples afin d’essayer d’expliquer qu’il ne faut rien prendre pour vrai dans les arts martiaux issues de la tradition orale sans preuves historiques étayés.  


En conclusion
Comme vous pouvez le constater ci dessus, les récits oraux sont vraisemblablement la majeur partie du temps un mélange de faits historiques, de mythes et de légendes. Si vous désirez réellement vous instruire maritalement parlant, écoutez les histoires, mais gardez toujours votre sens critique. Lorsque l’histoire avec un grand H n’apporte pas de réponse clair, tirez des conclusions qui vous semblent probables, évidentes et sans fantaisies.          
En ce qui concerne la partie technique, jugez avec l’expérience acquise de vos séances de sparring.



jeudi 17 mars 2016

La cérémonie du Bai Si 拜 師 : Introduction d'un nouveau disciple. Significaion et description

              Dans de précédents articles « L’apprentissage dans la tradition » et « Maîtres élèves et trahisons », j’avais succinctement abordé le sujet de la cérémonie du Bai Si. Je vais ici en donner la signification exacte et en décrire le déroulement dans le détail.

Cérémonie de disciple de mon élève Alberto Rossitto de Turin, Italie
Tel que je l’ai mentionné à plusieurs reprises dans divers écrits, l’école de kung-fu est basée sur le model de pensée traditionnel confucéen. Il n’a jamais existé en Chine de passage de grades, de ceintures différentes ou tout autres avancements de ce type. L’école était basée sur le model de la structure familiale. Le grand maître étant le grand père, le maître le père, l’élève avancé le grand frère, la nouvelle recrue le petit frère etc… Chacun connaissait sa place et respectait de fait, sa position.

Néanmoins, une différence se faisait envers les élèves ; on les distinguait de deux sortes : les Sihings (grands frères) et les Sidai (petits frères).
Le maître formait généralement une première génération de disciples en qui il incombait la tâche par la suite, de former la base des nouveaux arrivants jusqu'à l’obtention d’un niveau déterminé par le maître. Suite à cela, l’enseignement direct pouvait débuter.
Généralement, après un certain temps de pratique, le maître manifestait son désir à l’étudiant de l’introduire dans son groupe d’élèves plus proches, ses disciples. Ces derniers accédaient aux techniques plus avancées, à des exercices collants plus à leur niveau désormais atteint, aux textes anciens… bref, aux « secrets » du maître.

Pour ce faire, il fallait passer la cérémonie du « Bai Si »
La cérémonie Bai Si était une cérémonie d'entrée, qui donnait accès aux enseignements en porte fermé . Elle était une chose sérieuse, que l'ont ne prenait pas à la légère. Elle se voulait être un pont de rapprochement entre le maître et l’élève ou l’affectif jouait un rôle prépondérant. Le disciple donnant allégeance au maître qui à son tour l'acceptait à valeur égal d'un fils. 
En ce sens, rappelons que le terme pour définir le maître est Sifu .
Composé de deux caractères: Si  (maître) et Fu 父 (père). La définition est donc Maître/père, un mentor.

L’élève aspirant devait remplir plusieurs conditions, ici aussi, déterminés par le maître. Il est difficile de définir avec précision les critères à remplir, ceux-ci étant fixés par chaque maître dépendamment de leur caractère naturel. Cependant, les conditions d’entrée englobaient généralement et à égale importance, le niveau technique et l’étique morale. La loyauté était souvent un critère de choix. Dans le contexte historique, les écoles étaient souvent rivales, les maîtres portaient une attention particulière au contrôle de leurs élèves... et de leurs techniques.
Il était donc question d’un respect mutuel, mais surtout d’un acte d’implication. L’élève témoignait par ce biais son désir de continuer plus profondément dans l’apprentissage, de sa volonté et de sa loyauté. L’acceptation du maître prouvait de la confiance qu’il témoignait envers son élève ; chose qui au regard d’un étudiant dévoué est immense.

Déroulement du Bai Si  

Autel en l'honneur de Sigung Lao Siu Leung
Les caractère chinois utilisés pour le Bai Si sont: 
Bai: signifie saluer, se courber  Si 師 signifie le maître. L'étudiant donne donc allégeance au maître.
Certaines écoles appliquent le Bai Si en porte fermé, avec seulement l’élève aspirant, d’autres, avec les anciens disciples et autres élèves en fonction de témoins. La cérémonie que je vous présente ici est celle tel que pratiquée dans notre lignée de Pakmei de Foshan.

La veille de la cérémonie, l’autel des ancêtres a été consciencieusement nettoyé. Les offrandes sont déposées pour les générations passés, fruits (de couleur rouge, orange ou jaune), riz bouilli, fleures, baguettes…. Trois tasses sont disposées, contenants eau, alcool de riz et thé.

Les trois tasses, l'encens, les offrandes...
-  Le maître débute le cérémonial. Il brûle trois encens, se prosterne trois fois. L’encens est brûlé en l’honneur des ancêtres, en témoignage du respect que nous leur portons. En chine, le chiffre trois est important, il représente la trinité ciel, homme, terre. Le maître prend alors place sur la chaise disposée devant l’autel.
L’élève aspirant va préparer le thé. Pendant ce temps, les autres disciples présents font brûler chacun leur tour l’encens en l’honneur des ancêtres.
 -  L’élève aspirant présente maintenant l’encens. Ensuite, il s’agenouille devant le maître, présente la tasse de thé et respectueusement formule « Sifu, Yam Cha » (maître, bois le thé). Le maître prend la tasse et boit trois gorgés. Puis, il déverse le reste du contenu de la tasse sur l’autel. Acte symbolisant le partage avec les ancêtres, les prenant ainsi à témoins de l’acceptation du nouveau disciple.

Sifu "Yam Cha" (Sifu, bois le thé)
 - Le nouveau disciple présente une enveloppe rouge dans laquelle il a préalablement déposé un peu d’argent.
Le maître prononce quelques mots personnels pour l‘élève et lui remet un dossier avec quelques matériels relatifs au style et à l’école.

Dorénavant, l’élève fait intégralement partie de la famille Pakmei de Lao Siu Leung.

Quatre de mes sept élèves proches ayant effectué la cérémonie
Les disciples n’ont pas plus qu’avant pour obligation de suivre un entrainement acharné. En revanche, comme précités plus haut, ils ont désormais accès à d’autres types de connaissances si ils le désirent.

Il est normal qu’après un temps de pratique important, les élèves décrochent. Rien de mal à cela. Cependant, lorsque le maitre à besoin de ses disciples, ils répondent toujours présents et seront éternellement les bienvenues...