LAO SIU LEUNG PAK MEI KUNE

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mardi 19 novembre 2013

A la découverte des Mai Mo 買武 ...


De toutes les sortes de maîtres que nous pouvions rencontrer autrefois, deux catégories d'entre eux attirent mon intérêt et excitent mon imagination particulièrement. Il s'agit des gardes et escortes (sujet auquel je consacrerai un prochain article*) et les maîtres démonstrateurs de rue, les "Mai Mo".

Photo d'une carte postale Shanghai 1911

A l'arrivée de l'ère républicaine en 1911, la Chine sortait d'une histoire dynastique longue de 4 millénaires. En ces temps agités, le passage de la dernière dynastie Mandchou Qing à la République de Chine ne s'est évidemment pas fait dans le calme. Les différentes sectes révolutionnaires ultra-actives telles que "les poings de justice et concorde" pour ne citer qu'elle, finirent par se retrouver sans ennemis à combattre.
Je présume donc que les chefs des boxeurs, forts de leurs tours de prestidigitation les ayant aidé à rassembler les masses et trouver de nouveaux adeptes à enrôler dans leur lutte anti-Qing puis anticolonialiste (sortir indemne à des tirs de balles à blanc, résister à des coups de sabres non-tranchants....); n'ont certainement pas mis longtemps à comprendre que leur seul moyen de s'en sortir dorénavant, était de faire la démonstration de leurs talents martiaux/trucs contre rémunération...

Parmi les nombreux tours de foire, le boxeur ingurgite semble t'il ici, un "Tie Chi" (Sai). Semblable à nos avaleurs d'épées en occident.
Bien que certainement plus anciens, les Mai Mo (littéralement: vendre l'art martial) se trouvèrent indubitablement plus nombreux en ces temps difficiles, formés d'anciens boxeurs repentis mais aussi certainement par les gardes des escortes armées qui disparurent à cette même période avec l'arrivée de la police moderne*. Tout ce petit monde ne trouvant plus de moyen de subsistance, dû se résigner au vagabondage, choisissant, on peut aisément l'imaginer, les endroits les plus fréquentés pour leurs représentations martiales (places de marchés, rues commerciales, quais de ports de plaisance, stations de trains...).


Ces maîtres, en recherche de pitance dans cette nouvelle chine mouvante, œuvraient comme des saltimbanques et autres troubadours; se déplaçant souvent de ville en ville, quelques fois même du nord au sud de la chine à la manière des cirques. Certaines fois par petits groupes de 2/3 personnes; le maître et un ou deux disciples; d'autres, de façon bien plus organisée.

Boxe du singe dans les rues de Shanghai en 1930. Notez les armes attachées entre elles en "pyramide" très caractéristique à cette période. Vous pouvez voir la même chose sur la photo de la carte postale (le jeune boxeur au sabre). Notez aussi, que ces boxeurs semblent être un groupe organisé, puisque les autres membres délimitent l'ère de démonstration à l'aide de bâtons sur tout le tour.

Bien qu'étant issus de styles traditionnels les Mai Mo ont souvent ajoutés des techniques acrobatiques au sein même de leurs formes, les rendant plus attrayantes aux yeux novices de leurs spectateurs. 
Leurs tours, nombreux et impressionnants, tels que: démonstration de force pure, tirage de voitures avec les dents, casses de matériaux, résistance aux coups, torsion de lances avec la gorge, maniement d'armes complexes et nombreuses..., étaient maîtrisés à la perfection.
Ils étaient aussi parfois pourvus de quelques talents de conteurs, jongleurs, acrobates... ayant ainsi plusieurs cordes à leur arc.

Démonstration de rue mêlant arts martiaux et acrobaties 

Des maîtres de Hong Kong de renom ont dû, un certain moment de leur vie, recourir à ce type de gagne-pain comme le grand maître de Hung Gar, Chiu Kao ou le grand maître de Taiji Tang Lang, Chiu Chu Kai du temps où il vivait à Macau. 

Soulève maintenant la question de savoir si ces démonstrateurs de rues avaient de réelles aptitudes de combat, l'expérience et la capacité sérieuse à se défendre? Vivre dans la rue en cette période de bouleversement, pleine de malfrats, où chacun cherche à faire sa place ou souvent seulement à survivre, nous renseigne suffisamment sur leurs capacités de combat... Je n'ai pour ma part aucune difficulté à imaginer ces démonstrateurs de rue devant protéger leur maigre butin dans la vie rude qu'ils devaient mener. Certaines scènes ont été bien reproduites à l’écran dans les anciens films de Hong Kong de la Golden Harvest ou de la Shaw Borthers.

Possédant d'ordinaire quelques connaissances en médecine, il était également fréquent que ces maîtres, itinérants et vagabonds pour certains, fissent commerce de quelques herbes médicinales et remèdes de leur composition en addition de leurs show.

Vendeur de médicaments à la sauvette, notez le serpent dans la main du vendeur. Les animaux sont malheureusement souvent  additionnés aux remèdes de plantes...
Bien que les écoles de kung-fu d'aujourd'hui perpétuent la tradition des démonstrations de rue lors de festivités, les Mai Mo, après avoir été très actifs durant les années 1911-50, disparurent avec l'arrivée du parti communiste, qui ne l'oublions pas, tenta de contrôler les arts martiaux chinois avec la mise en place du Wu-shu moderne avant d'interdire complètement la pratique martiale.

Casse de brique sur la tête, un tour bien connu... Notez ici aussi les armes dont le "Gi dong" attachées en Pyramide.

Les Mai Mo sont souvent dépeints d'une façon assez négative et critique par les maîtres d'aujourd'hui. En effet, user de son kung-fu de cette manière pour gagner sa vie est considéré comme une pratique "de mendiants", de maîtres souvent sous éduqués et assez rustres en comparaison de l’élite riche bien pensante. 

Je crois pour ma part, que de tout temps et surtout en période difficile, les gens ont fait ce qu'ils pouvaient pour pouvoir rester en vie et cela à mes yeux, n'a rien de méprisable...

3 commentaires:

  1. Superbe article... Merci Sifu pour ton partage de connaissances!! :)
    Très belles et représentatives photos en illustrations...

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  2. Merci pour le partage de cette page d'histoire de la Chine et de ses boxeurs.

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  3. Nous pourrions également évoquer les arts théâtraux traditionnels de la Chine, l'opéra de Pékin notamment, dans lesquels les arts martiaux trouvent toujours une bonne place. Les acteurs sont formés à l'acrobatie (très proche du wushu moderne d'ailleurs) et au maniement d'armes diverses.

    Salutations amicales.

    Frédérik

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