Dans les arts martiaux, nous
pouvons rencontrer de nombreuses personnes allant manger à tous
les râteliers ; j'entends par là, des pratiquants qui
récupérèrent à droite et à gauche des techniques pouvant enrichir leurs
compétences. En ce qui concerne les arts purement chinois, c'est une pratique
très répandue, des touche-à-tout essayant une forme par ci par là. En matière
de développement de réactions instinctives, ce n'est pas une bonne chose à mon
sens mais les chemins vers l’efficacité sont multiples. Pour avoir une
ouverture d'esprit sur ce qu'il se fait ailleurs, il faut aller voir.
Paradoxal ? Développons...
Chose très méconnue, nombre de maîtres ont une
pratique d'au moins un style annexe, qu'ils gardent uniquement pour eux.
Certains autres maîtres du passé revendiquaient eux leurs pratiques diverses
sans langue de bois.
En effet, la pratique de multiples styles n’est pas
rare et s’est toujours vue en Chine. De grands noms tels que Sun Lutang pratiquaient
Taiji Quan, Xingyi Quan et Bagua Zhang. Certaines boxes se pratiquent associées
presque invariablement ensembles telles que le Baji Quan et le Pigua Quan.
Alors pourquoi être si catégorique ?
Pour bien y répondre, commençons par
déterminer les différents niveaux de pratique
Le débutant
Celui-ci DOIT travailler les bases d’un style unique
en commençant par bien choisir le système qui lui correspond, dont la
technicité et les qualités requises collent à ses capacités naturelles.
Enseigner à celui-ci divers styles est absurde. Il
sera peut-être satisfait et aura l’illusion de s’entraîner et de toucher tout
un éventail de choses, mais il n’aura aucune chance de développer quoi que soit
de pérenne. Comment faire un cours de Wing Chun le lundi et un cours de Hung
Gar le mardi avec des principes, des positions et des stratégies opposés ou souvent
contradictoires ? Quand encore ce n’est pas une forme de Wing Chun et une
de Hung Gar à la suite dans un même cours ! Beaucoup se rendent compte par
eux-mêmes après une paire d’années de pratique que la
progression s’en trouve faussée, les autres... vivent dans l’illusion de
la pratique. (Conf l’article : “l’illusion de la pratique“)
L’élève avancé
Celui-ci a déjà développé quelque chose, a
un sens du combat plus aiguisé, la structure est déjà en place... Si le
professeur possède différentes pratiques, pourquoi pas... Mais tout le monde n’en est pas
capable, certains élèves trouveront même que le programme d’un unique style est
trop volumineux.
Quelquefois le choix se fait naturellement, l’élève
souhaite lui-même persévérer dans une pratique unique, quelquefois il désire
enrichir son expérience.
Le professeur
Le professeur, celui qui détient la
connaissance... mais la connaissance de quoi ?
Le professeur doit être un expert, il lui
incombe la tâche de montrer le chemin. Il existe bien sûr de bons et de mauvais
professeurs. Choisissons le bien...
Connaître une forme par style n’est pas une expertise.
Le professeur enseigne-t-il à plein temps ou se libère-t-il deux soirs par
semaine pour mener sa classe ? Cette question
est importante car elle pose le problème du temps ou plutôt, du manque de ce
dernier.
A-t-il le temps de développer ses pratiques si elles
sont diverses ? La pratique du nombre de formes du curriculum pose souvent
un problème à ce niveau. Comment pouvons-nous développer divers systèmes sans
temps ?
Tous les pratiquants ne l’ont pas forcément pour parvenir à tout pratiquer, à tout
développer.
L’enseignant qui possède de nombreuses
formes et styles, peut lui, combler l’appétit de l’élève boulimique mais il
doit bien choisir ce qu’il enseigne et à qui. Encore une fois, tout le monde
n’est pas capable de tout enregistrer.
Alors finalement, pratiques
additionnelles ou pratiques multiples ?
Mélanger les styles ou acquérir des
connaissances additionnelles n'est pas la même chose. En premier, il faut
savoir ce que nous voulons. Soit, nous ressentons un manque dans notre
technique, soit nous voulons tout apprendre en grand boulimique des arts
martiaux que nous sommes, soit nous sommes juste curieux d'autres choses, d'un goût nouveau.
Les pratiques multiples dans le sens où je présente ce terme ici sont liées à l’amoncellement de connaissances
superficielles sans avoir préalablement acquis un système complet.
Une forme d’un style par ici, une autre par là.
Butiner les fleurs comme une abeille affamée n’a pas de sens, et si c’est ce
qui nous plaît, soyons conscients que nous ne toucherons que la surface de
l’eau, nous passerons très probablement à côté des merveilles
de corail immergées.
Les connaissances additionnelles sont, elles, plus sérieuses et sont
surtout plus bénéfiques. Une fois un système maîtrisé, une structure et une
stratégie développées, nous pouvons nous
permettre de nous essayer à d’autres styles. Pas par centaines sinon nous rejoindrions
le premier groupe, mais que ce soit pour le goût de certains autres, pour
ouvrir notre esprit à la découverte de nouvelles sensations ou par envie de
développer un système qui compléterait le premier, ce
chemin est plus noble et surtout plus avisé.
Comprenons maintenant qu’il est
extrêmement difficile de maîtriser toutes
les facettes du combat. Peu de gens ont la capacité physique et intellectuelle
de multiplier les pratiques.
Pour exemple, les combattants de MMA sont
majoritairement spécialisés. Soit ce sont de bons puncheurs, soit de bons
grapplers. Ils tentent de combler leurs lacunes en s’entraînant (sérieusement,
ai-je besoin de le préciser ?) aux divers arts
nécessaires à leur victoire, mais ils demeurent tout de même globalement
spécialistes dans un des deux domaines. Bien sûr, leur cas est quelque peu
différent et doit donc être considéré séparément. Ce sont des sportifs qui se
préparent en connaissance de leur adversaire,
ils étudient avant le combat les points forts de celui-ci et mettent une
stratégie en place pour le contrer.
Dans la réalité, nous ne savons jamais sur
qui nous tombons. Il est donc préférable de choisir dés le départ un système ayant la possibilité de donner des réponses à tout
type d’attaque sans avoir à se perdre dans une multitude de disciplines.
Est-ce
que cela nous empêche pour autant d’aller à la rencontre d’autres
pratiquants ?
D’aller
voir ce qu’il se fait ailleurs ? Aucunement,
car nous aurons peut-être l’occasion d’apprécier d’autres manières de faire,
tout aussi efficaces et pourquoi pas... de meilleures que les nôtres. Si ce n’est pas le cas, nous retournerons travailler avec
encore plus de motivation.
Conclusion
Ne vous méprenez pas
sur le message de cet article, l’intention n’est pas de condamner les pratiques
additionnelles, mais les pratiques
multiples sans profondeur. Il faut comprendre à quel niveau nous nous
situons, être conscient de notre capacité d’assimilation et bien entendu, du
temps que nous allouons à la pratique.
Au commencement il n'est pas judicieux d'aller
grignoter partout. Il est plus que préférable de s’efforcer de maîtriser son
sujet ; aller au bout de sa pratique initiale. Puis par la suite, lorsque nous
avons une "maîtrise" ou tout au moins une expérience solide dans
un art, nous pouvons nous permettre de nous essayer à autre chose. Nous avons
donc notre pratique principale, celle qui nous prend le plus de temps, plus une
spécificité qui nous fait plaisir ou qui nous apporte des compétences supplémentaires.
Comprenons que la maîtrise d'un style est longue. En
pratiquant assidûment notre système, nous aurons toute la facilité du monde à
en intégrer d’autres. Pour ce faire, un peu de travail suffira, à condition
tout de même que ce nouveau système nous corresponde, physiquement et/ou qu'il
ne soit pas diamétralement opposé à ce que nous pratiquons à l’accoutumée (à
moins de posséder d’extraordinaires capacités d’adaptation).
Pour l'enseignant qui possède plusieurs pratiques et
qui souhaite tout enseigner, il devra bien séparer chacune de ses compétences.
Enseigner à des novices une chose et son contraire dans la même classe est
contre-productif.
Si l'on veut être bon (excellent), si l’on veut
arriver à développer des réflexes naturels spontanés, précis et efficaces, il
faut former le corps dans un même sens. Nous avons tous autour de nous des pratiquants
multi-cartes qui au final, ne sont pas bons à grand-chose.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire