Nous avançons généralement et à juste
titre que nos pratiques martiales descendent directement des pratiques des
anciens soldats chinois. C’est un fait que l’on ne peut nier, mais est ce
uniquement le cas ? Quelle partie exactement ? Et cela sans aucune transformation ?
L’artillerie que nous utilisons
est identique. Les armes utilisés sont les mêmes, mais pratiquées de façons
différentes.
Lorsqu’au champ de bataille, 3000
ennemies se font front, nous n’allons au contact en combat singulier qu’en
dernier recours, lorsque les flèches, et canons ont fait le ménage. Lorsque l’unité
attaque, c’est en rang. Dans ces conditions, il n’y a pas de place pour les
mouvements giratoires, trop amples ou très compliqués. Le soldat joue sa vie au
bout de sa lance, avec la peur au ventre. Dans ce cas là, n’imaginons rien de
bien fleurie, que du pratique.
En effet, lorsque nous analysons
les entraînements militaires des anciennes Dynasties chinoises suivant les
textes historiques tels que Wu
Bei Yao Lue 武備要略 ou encore le Lianbing shiji 練兵實紀 décrivants précisément les techniques, nous
pouvons constater des techniques linéaires, simples, directes et pratiques. Rien
d’élégant au sens fleurie de la chose, pas de sauts, pas de WuShu moderne en
somme... Juste la beauté d’un geste simple, pratique et bien exécuté.
Contre toutes attentes, les arts
martiaux tel que nous les pratiquons aujourd'hui sont relativement récents,
c’est un fait qu’il faut accepter. Ils sont un mélange de pratique de Mai Mo (conf
l’article : A la découverte des Mai Mo) allié à un sens martial pratique
et une petite, très infime partie de l’art de guerre militaire à proprement
parler. Ils sont constitués de reprise de mouvements pratiques, ajoutés à des
mouvements plus esthétiques. Les techniques sont majoritairement basées sur le
duel, ou contre un nombre d’adversaire restreint et en tout cas jamais pour
être utilisés en groupe, dans une unité militaire, entouré d’autres soldats
épaule contre épaule.
Exemple de formation d'une unité sous les Ming |
Notons également que les soldats de l'époque étaient vêtu d'amures pour un certain nombre. Il est probable que le port d'armures rendait impraticable un certains nombres de mouvements de nos formes actuelles.
De réelles différences
indéniables
Pour exemple, prenons la pratique
de la lance Qiang. La longueur
correcte d’une lance est prise de nos jours bras tendu vers le ciel, pointe de
l’arme touchant l’intérieur de la paume. C’est la taille généralement rencontré
afin de pouvoir exécuter convenablement les mouvements de nos formes actuelles.
Dans le Huang Shao Liqi Tushi 皇朝禮器圖式,le règlement de l’armée verte des
huit Bannières, la longueur des lances se situe entre 3m et 4,5m de long.
Pour un pratiquant de mon gabarit
(1.92m) la longueur adéquate de lance est de 2,30m... Étant d’un gabarit bien
plus grand que n’importe quel chinois de n’importe quelle province, nous
restons tout de même bien loin du compte.
Cela s’explique de plusieurs
façons. Il va de soit que nous ne défendons pas exactement de la même manière un
village pillé par un groupe de 50 bandits de grands chemins que contre une
armée de 300 000 hommes entraînés, en
nombre égal, pourvu de matériels avancés dans des plaines dégagées. Les soldats
sont placés en ligne, les lances leur permettant de garder les ennemies à une
distance correcte. Les mouvements des lances passants dans le dos ou autour de
la tête ne trouvent pas leurs places ici. Avec une telle longueur de lance, c’est
de toute manière totalement impossible.
Autre exemple, la pratique des
couteaux papillons. L’utilisation des couteaux papillons Hudiedao 蝴蝶刀
était rependue parmi les soldats du sud de la Chine du 19em siècle. Ayant
une expérience de la violence réelle, j’ai du mal à imaginer un soldat faire
tourner ses couteaux dans ses pouces à l’aide de la garde au beau milieu d’une
technique lors d’un vrai combat... Ayant toute les chances de rater son
mouvement et de perdre ses armes au sol.
Qu’en est-il de la pratique main
nue ? De nos jours, la majorité des écoles portent un intérêt plus
prononcé au combat en corps à corps relayant la pratique des armes à la
seconde, voir troisième place derrière les exercices de respirations et de
santé comme le Qi Gong. Le leitmotiv motif de la plupart des pratiquants étant d’apprendre
à se défendre. Ici encore, c’est une différence notable avec la pratique des
soldats chinois antiques.
Dans son Ji Xiao Xin Shu 紀效新書le
général Qi Jiguang met bien en avant que la pratique du combat main nue n’est
quasiment d’aucune utilité sur le champ de bataille. Remettons nous toujours dans
contexte, 100 000 hommes armés, vêtu d’armures, de casques....si le soldat
perdait son arme...s’en était fini pour lui.
Pour autant, il forme tout de
même ses soldats à la pratique d’un enchaînement en 36 postures qu’il cite être
« uniquement pour l’exercice physique des troupes ».
Vous pouvez donc vous rendre
compte une nouvelle fois des différences flagrantes entre la pratique des arts
martiaux dans l’ancien temps avec la manière dont nous les pratiquons de nos
jours.
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