L'étiquette Li Yi |
Voici un petit article que je projetais de rédiger il y a déjà un moment de cela.
Il m’arrive régulièrement de
recevoir des messages personnels, emails, etc… de demandes d’enseignement, par
cours zoom ou en présentiel. Ces demandent m’arrivent du monde entier, détails
qui, vous le verrez par la suite, a son importance. Force est de constater que
nombre de ces messages manquent cruellement de formule de politesse, de
vouvoiement et de respect ; en un mot : d’étiquette.
Je constate tristement que ces
manques sont majoritairement français. Je n’imagine pas que le français soit
purement et simplement impoli, je crois qu’un souci plus profond, lié à sa
culture (point de vue culturel bien français) tout autant qu’à son inculture
(ignorance profonde des autres cultures), sous-tend cette problématique.
Ainsi, j’ai dernièrement reçu ceci :
- Hello, tu enseignes le Pakmei online ?
Quelle n’est pas ma surprise (et accessoirement
mon mécontentement) à la réception de ce type de message. Il est certain que
chacun éprouve une sensibilité à des degrés divers, mais j’ose tout de même me
questionner : à quel moment quelqu’un peut-il s’imaginer qu’un enseignant sérieux
accéderait favorablement à sa requête sans la moindre lueur d’un début de formule
de politesse ? Sans témoigner d’un minimum de respect? Ma réponse à ce
genre d’incorrection est radicale, j’ignore irrémédiablement la demande.
La politesse est une valeur fondamentale,
indispensable dirais-je même, de nos rapports sociaux, dont le respect en est
un résultant. Sans politesse, il n’existe pas de respect, sans respect, chacun
se comporte tel qu’il le souhaite et le plus fort s’impose de sa toute-puissance.
Dans sa version méliorative du
sujet des arts, le terme de maitre et celui d’une personne possédant la
maitrise. Celle-ci s’acquiert par de nombreuses années d’étude, puis par le
développement personnel de la discipline étudiée pour enfin être en mesure à
son tour, de la transmettre. Cette expertise demande du temps, du travail, de
la pédagogie et quelquefois même, du talent. À l’ère de la mode du contenu
superficiel Insta, Facebook et autres Tiktok, qu’en reste-t-il une fois les
smartphones et tablettes éteints ? La connaissance du patrimoine immatériel
est un sujet sérieux et profond qui ne devrait pas être sous-évalué. Reconsidérons
la place que les garants de ce savoir devraient occuper.
Ce manquement aux valeurs de
respect est alors lié, je pense, à l’inculture du français qui y voit, à
travers le spectre de sa propre culture, une image péjorative et erronée d’un
maitre spirituel omnipotent imposant sa dominance et ayant une emprise sur ses
élèves tel le maitre sur son chien. La faute revient également possiblement aux
nombreux pseudos gourou ayant galvaudé le terme et abusant de la crédulité de
leurs élèves. Une possible seconde raison de cette perte de bienséance pourrait
résider en ce que la société française et ses valeurs - liberté-égalité-fraternité
- placent les individus sur le même niveau. Encore, la séparation de l’état et
de la religion et l’idée sous-jacente de la formulation « ni dieu ni maitre »
peuvent pareillement avoir une certaine incidence. Je ne remets bien entendu
pas en question le bienfondé de nos valeurs, mais dans certains esprits simplistes,
celles-ci resonnent sans la moindre nuance. Ainsi, n’en déplaise à certains,
l’acte d’enseignement implique résolument, par la hiérarchisation, un rapport
de subordonné : celui d’un étudiant venant solliciter un enseignement auprès
d’un sachant.
Me concernant,
lorsque j’entre en contact avec un maitre (ou me rends directement à son école
ou son domicile), je fais automatiquement preuve d’une grande politesse et d’un
tout aussi grand respect. Je me place avec modestie en tant qu’élève. Je ne
cherche pas à lui faire ressentir dans nos échanges mes connaissances, une potentielle
égalité ou supériorité. Bien au contraire, j’essaie ici encore respectueusement
de ne pas le froisser et tente d’absorber son savoir de la façon la plus juste et
courtoise possible. Cela se nomme l’étiquette 礼仪.
L’étiquette, que nous pourrions aussi nommer la bienséance, est l’une des normes
morales de la société humaine qui agit dans le but de promouvoir l’harmonie
interpersonnelle. En d’autres termes, c’est une sorte de pont permettant de
créer l’harmonie avec autrui. Elle marque et souligne l’état civilisé d’une
société et reflète même quelquefois la perspective spirituelle de son peuple. L’étiquette
est de fait, d’une importance fondamentale dans la communauté du Wulin 武林 (textuellement « forêt martiale », la communauté
des pratiquants) et s’inscrit dans les notions de vertus martiales, les Wude 武德.
Sans le respect de l’étiquète, croyez bien qu’il me serait impossible de tisser
des liens, gagner la confiance et la considération d’un maitre et bien entendu,
de bénéficier d’un enseignement sérieux.
L’étiquette ne
devrait donc pas être perçue comme une vieillerie barbante surannée, mais
devrait plutôt être perçue comme un véhicule et le garant de valeurs œuvrant à
la conservation de rapports sociaux cordiaux. Ceci dit, ne vous méprenez pas,
je n’ai, en tant qu’enseignant, guère besoin de dizaines de Salam Aleykoum de
la part d’apprenants. Néanmoins, au même titre que je le fais moi-même lorsque
je voyage dans des contrées reculées pour solliciter des enseignements, j’attends
un témoignage de respect minimum qui traduit, en mon sens, un réel désir d’accéder
à l’enseignement et donc, un plausible sérieux dans le processus d’apprentissage
à venir.
Si ce petit
texte résonne en vous positivement ou coule de source, c’est que vous êtes sur
la bonne voie, autrement, je crois qu’il serait bon de revenir aux valeurs fondamentales.
Vous
souhaitant une bonne pratique.
*Ceci
étant, je tiens à préciser que lors d’échanges avec certains de mes pairs (je
les salue) l’étiquette est généralement plus présente que lors de sollicitations
d’enseignements provenant d’étudiants.