De retour du stage fédéral FFK dans lequel je rencontre de
nombreuses personnes.
Sur l’initiative de Stéphane Molard et du comité directeur de
la section Wushu, une commission des arts traditionnels a vu le jour dont l’intérêt
premier est d’ouvrir l’esprit sur les pratiques traditionnelles et légitimes
présentes dans l’hexagone. Cette commission réunit à ce jour 19 experts représentant
chacun un style spécifique. Ainsi, sont présentes les boxes Tongbei, Pakmei,
Wingchun, Cha Quan, Qixing Tanglang, Taiji Tanglang, Shaolin, Taijiquan styles
Yang, Chen, Sun, Wudang… Xinyi Quan, Baji Quan, Choy Lee Fut, Zui Quan, Yi Quan, Bagua Zhang…
Lors de ces stages ouverts à tous (dont le prochain se situera à Montpellier le week-end du 30 avril et 1mai), nous accueillons des
pratiquants provenant de tous horizons. Certains viennent chercher un style à
poursuivre sur le long terme, tandis que d’autres viennent pour le partage et
la curiosité. Tout ceci est donc très positif, mais cela fait désormais
plusieurs fois que je rencontre une même problématique.
Un certain nombre de participants
sont contraints de joindre l’événement dans le secret de leurs enseignants. En
effet, beaucoup me rapportent l’interdiction absolue de s’y rendre, une
pression subie ou une mise à l’écart du groupe si par mégarde le fait se savait.
Loin d’être anecdotique, force est de constater que ces
comportements sont tristement courants. Ceux-ci démontrent en mon sens deux
choses. Premièrement, un manque de confiance en eux de ces fameux enseignants ;
il est aisé de briller face à des pratiquants inexpérimentés et ainsi réussir à
faire illusion un certain temps. Secondement, un manque de connaissance
historique et culturelle du développement de nos arts.
Ces enseignants embrument généralement leurs élèves dans un épais
voile mystique opaque n’ayant que très peu avoir avec la réelle “tradition“. Les
dogmes d’enseignants ne s’étant pas formés en chine et utilisant des méthodes
de management de leurs troupes revendiqués comme traditionnelles, n’en
sont pas, n’en sont plus, ou n’en ont tout bonnement jamais été. Je m’explique…
Les idées erronées sur la tradition tout autant que les
interdictions y sont nombreuses. Les exemples sont légions et pour n’en
citer que quelques-uns : le “dojo“
sanctuaire sacré dans lequel l’élève ne peut être lui-même et doit se plier à
un conformisme exacerbé, le salut du tapis ou du lieu d’entrainement, ou encore,
le maître adoptant une posture faussement supérieure, sont autant de fausses coutumes
n’ayant place que dans les écoles occidentales voulant se donner une stature “asiatisante“.
L’impossibilité de participer à des stages d’autres écoles ou encore mieux,
l’interdiction à peine dissimulée d’échanger sur les réseaux sociaux avec
d’autres pratiquants (si, si, je l’ai vu) plongent l’élève dans une
incompréhension de laquelle il ne peut, par habitude et conformisme, raisonnablement
se soustraire. Généralement, lorsque l’élève ose et les questions sont posées
vis-à-vis de ces “méthodes“ les réponses sont soit nébuleuses, soit agressives,
prétextant que l’enseignement ou la doctrine de management ne peut être traditionnellement
contesté.
Il est important d’arriver à distinguer les élucubrations de
la réelle “tradition“ de la transmission de l’enseignement puisé dans la
doctrine confucianiste derrière laquelle ces enseignants se cachent pour
justifier ces comportements déviants. Également, toute “tradition“ n’est pas,
d’un point de vue moral, toujours bonne à conserver.
Bien qu’il soit vrai que les maîtres de l’ancien temps jouaient
en effet la carte du secret, qu’il existait jadis une certaine difficulté à
aller voir ailleurs ce qui se faisait, ou que, lorsque ceux-ci parlaient, les
élèves écoutaient et s’exécutaient, ces temps sont aujourd’hui révolus. La
situation évolua peu à peu grâce à des maîtres réformateurs. À titre d’exemple
historique, je citerai de grandes institutions telle l’Association Jingwu de
Shanghai ou encore le Guoshu Guan de Nankin, qui dénoncèrent et luttèrent
contre ces pratiques sectaires au début du siècle dernier. Ces dernières se
débarrassèrent de l’occultisme et furent les premières à proposer l’enseignement
de diverses boxes dans une académie commune en partageant un même bâtiment. Les
maîtres n’étaient plus en confrontation, mais travaillaient côte à côte,
enseignant leur style respectif pour le bienfait que pouvait apporter l’art
martial à la nation.
Paradoxalement, ces comportements
vont bien à l’opposé des valeurs communément admises et mises en avant sur les
sites internet de nombre de ces écoles, à savoir, “le développement
personnel, l’ouverture, l’équilibre, la quiétude et la bienfaisance“. Prenons
garde à cette “spiritualité“ à deux vitesses. Lorsque la passion fait place à
l’obligation, la joie à l’anxiété, l’ouverture à l’enfermement, il est temps de
se poser les bonnes questions. La relation de maître à élève est à revoir entièrement.
Enfermer un oiseau dans une cage n’a jusqu’à preuve du contraire jamais permis son
épanouissement. Je crois personnellement que l’élève doit naturellement rester
avec le professeur qui lui convient et que cela passe par le respect, les
compétences, les qualités humaines et non la force. L’enseignant doit faire
preuve de transparence et de bienveillance et non de réprimandes et médisances.
Le maître souhaite logiquement le développement de son élève. S’il ne possède
pas les compétences nécessaires, pourquoi l’empêcher de s’abreuver à une autre
source ? Loin de rabaisser l’enseignant, c’est au contraire faire preuve
de grandesse.
Traditionnellement, une école de
kung-fu est une communauté dans laquelle tout le monde s’entraide et se
supporte. Dans mon école des couples ont vu le jour résultant sur l’achat de
maison ou de construction de vie. Des relations de travail et des projets
professionnels y sont nés. L’école et l’art martial peuvent être des tremplins
pour une progression sociale, des véhicules vers un développement personnel, si,
une fois de plus, l’enseignement y est dispensé avec bienveillance.
Pour finir,
je tiens à chaleureusement remercier et féliciter les participants à ces stages
et à inviter tous ceux désirant nous rejoindre à le faire, toute école ou
style confondus, "L'ouverture d'esprit n'est pas une fracture du crâne" Pierre Desproges (1939-1988).
Wulin
Yi Jia
“La
confrérie martiale n’est qu’une même famille“