Suite à la rédaction de mes deux premiers articles
consacrés aux moines guerriers et au cas de Shaolin, l’envie de me replonger un
peu plus sur la réalité factuelle du monastère, de ses pratiques et de son
histoire me démangeait depuis longtemps.Dans le milieu des arts martiaux
chinois, il est souvent fait la distinction entre Shaolin du nord
北少林寺 VS Shaolin du sud 南少林寺, mais il vole ici
encore un parfum de méconnaissance et d’incompréhension sur l’Histoire de ces
fameux monastères.
Le
Shaolin du nord est, dans la conscience collective, le fameux monastère de la
province du Henan, l’original, se dressant sur le mont Song non loin de la
ville de Dengfeng. Les Shaolin du sud quant à eux (il est toujours fait mention
de minimum trois emplacements différents) sont placés respectivement à Fuqing 福清, Zhao'an 詔安, Putian 莆田 et
Quanzhou 泉州 dans la province du
Fujian au sud-est du pays.
Au
sujet des Shaolin du sud, et bien que je traite leur cas profondément dans la
réédition de “L’Impitoyable et Mystérieux Fatsan Pakmei Kung-fu“, je peux d’ores
et déjà vous spoiler qu’ils ne sont en aucun cas légitimes ; les mythes
s’étant une fois de plus mélangés à l’histoire. Je donnerai toutes les
informations et explications précises dans l’ouvrage à venir.
Dans
mon cheminement j’ai réalisé qu’il y avait toujours dans les arts martiaux divers
niveaux de compréhension et de connaissance. Ainsi, il y a ceux qui pensent
depuis toujours que Shaolin est un temple isolé abritant les uniques moines
guerriers de l’histoire. Il y a ensuite ceux qui pensent savoir que le Shaolin
du sud a existé et qu’il y serait né les arts martiaux du sud, les Hung Gar,
Wingchun et autres Pakmei. Pour clore l’affaire, il y a ceux qui, plus informés
que les autres, savent que les divers Shaolin du sud proviennent du folklore né
de la dernière dynastie Qing.
Nous
avons déjà là trois strates de connaissance mais l’histoire s’arrête t’elle
ici ? Revenons-en à Shaolin…
Shaolin puissance politique
Comme
je l’avais précédemment présenté, il ne faut pas imaginer Shaolin comme étant
un petit temple discret, isolé dans une “jeune forêt“ se suffisant à lui-même.
Il fut en réalité un puissant monastère possédant le soutient des divers
gouvernements et ceux depuis la dynastie Tang. Soutient qui perdura sous les Yuan
(1279-1368), les Ming (1368-1644) et plus modérément sous les Qing (1644-1912).
[non,
le gouvernement Qing n’a jamais brulé quoi que ce soit de ce côté-ci. Pour
rappel, les diverses destructions que le temple ait subies :
- 1356 Destruction
par les « Turbans Rouges ».
- 1641 Destruction
par le seigneur de guerre Li Zicheng.
- 1928
Destruction par le seigneur de guerre Shi Yousan.
- Mit à sac par
les gardes rouges dans les années 60]
Ces
temples disposaient de terres, étaient quelquefois exemptés de taxes et
jouissaient d’un certain prestige tout autant que d’une certaine richesse.
Ces
grosses entités possédaient alors (et possèdent encore) des fangtou 房頭 [temples
subsidiaires] (terme employé dans les textes bouddhiques de l'époque impériale
tardive) encore appelé Xiayuan 下院
[jardin inférieur] en opposition au Shangyuan 上院 [jardin supérieur] étant le temple principal.
Quel
est leur rôle ?
Les temples subsidiaires sont des entités semi-indépendantes
étant sous contrôle partiel d’un monastère de plus grande envergure. Ces
temples subalternes ne servaient finalement souvent que trois objectifs ;
celui de loger un afflux de moine trop important durant les festivités, d’auberge de repos pour les pèlerinages, un crématorium pour les moines décédés
(dans le cas ou ceux-ci étaient placés en périphérie du temple principal). Mais
aussi et surtout, ils avaient le bénéfice d’accroître la richesse et le
prestige du temple, ils étaient une manière de démontrer son pouvoir. Les
monastères principaux subvenaient occasionnellement aux besoins de leur
subordonnés dans le cas de réparation par suite d’intempéries ou lors de
dépenses imprévues si ces derniers ne disposaient pas de fonds suffisants.
Dans les faits, il s’est avéré que le contrôle des
moines de nombre de ces temples subsidiaires était au mieux difficile et au
pire inapplicable, comme en atteste le rapport de l’abbé Duti (1601-1679) du
temple Longchang du Mont Baohua de la province du Jiangsu : “J’ai
observé que partout d’anciens monastères ont dressés des temples subsidiaires
pour diviser leurs opérations monastiques et initier de nouvelles entreprises.
Comme résultat, l’auto-cultivation n’est plus pur et les moines ont cessé
d’observer les règles monastiques à tel point que les tours de tambours et les
cloches ne sonnent plus ; les monastères se pervertissent“. (Pour
d’autre rapports officiels à charge, voir mes deux premiers articles sur le
sujet).
Selon
les sources du monastère de Shaolin, celui-ci eut le pouvoir au plus haut de sa
puissance, sur 25 temples subsidiaires. Nous parlons également d’une population
de 3000 moines résidents et plus de 800 dans ses temples auxiliaires. Le nombre
et la nature de ces divers temples associés varia en nature et en nombre au
long de l’histoire.
A
ce jour, le monastère de Shaolin compte 20 temples subsidiaires répartis dans
toute la chine.
Ceux-ci étant :
- Temple Kaiyuan de Zhengzhou
- Temple Yongqing de Dalian
- Temple Jiaozuo Yueshan
- Temple Luya
de Dengfeng
- Temple Longhua de Xuchang
- Temple du Bouddha en Pierre de Jiaozuo
- Temple de Zishou, comté de Lingshi, Shanxi
- Temple Shuiyu de Xuzhuang, Dengfeng
- Temple Puzhao comté de Qingfeng
- Temple Bei Shaolin de Panshan
- Temple de Kongxiang de la montagne Sanmenxia
Xiong'er
- Temple Xinmi Chaohua
- Temple Xiansheng de Zhengzhou
- Temple Guanyin de Shangqiu
- Temple Xingyang Donglin
- Temple Gongyi Ciyun
- Ancienne ville de Guandu, Kunming compte 4 Temples
- Temple de Miaozhan
- Temple de Tuzhu
- Temple de Fading
- Temple de Guanyin
· Additionnez
à cela tous les “temples Shaolin“ existants à l’étranger, qui ne sont en
réalité rien d’autre que des écoles d’arts martiaux ne faisant pas forcément la
promotion du bouddhisme Chan.
Grace
à divers articles relatant des visites de l’abbé Shi Yongxin dans divers
temples subsidiaires, il apparait sur ces deux dernières années une net
augmentation du nombre de temples associés ; j’en conclu donc que Shaolin
continu à ce jour de prendre gouvernance sur divers monastères régulièrement.
Cette liste, n’en doutons pas, continuera de s’accroitre dans le temps.
Shaolin de Tianjin
Si vous portez attention à la liste des temples
subsidiaires, il apparait un monastère qui ressort instantanément, le “Bei
Shaolin Si“ de Panshan, Tianjin.
Également, en consultant le grand nombre d’articles
officiels du temple de Shaolin traitant de son sujet, il apparait clairement
qu’il est d’une importance majeure dans la hiérarchisation des monastères
subsidiaires. Il semble que le temple de Shaolin de Tianjin suit trait pour
trait les cérémonies et festivités de Shaolin du Songshan.
La raison est historique, le Temple “Shaolin du
Nord“ de Tianjin est historiquement rattaché au monastère de la Jeune Foret
du Songshan ! C’est d’ailleurs le SEUL et UNIQUE à avoir
porté le nom de SHAOLIN !
Ainsi, lorsque l’on entend parler du “Shaolin du
nord“ 北少林寺 [Bei Shaolin Si], il n’est nullement fait référence
au Shaolin du Henan étant plus au nord que le supposé Shaolin du sud au Fujian
(qui n’a jusqu’à preuve du contraire jamais existé) ; il s’agit en réalité
du Shaolin de Panshan dans l’arrière-pays de Tianjin, au nord du Shaolin
originel du Henan, qui lui ne porte que l’unique nom “Monastère de Shaolin“
少林寺 [Shaolin Si] !
|
Shaolin du Nord, montagne Panshan, Tianjin avant sa destruction 北少林寺 |
Laissez moi vous
compter son histoire
Bien que l’histoire du temple du nord ait son pesant
de légendes et contradictions, nous pouvons toutefois statuer favorablement sur
ce qui suit.
Kubilaï Khan (1215-1294), 1er Empereur et
fondateur de la dynastie Yuan 元朝 (1271-1368) fut un fervent
bouddhiste. Il promu alors la culture de la religion du bouddha à travers tout
l’empire. Avant même de prendre le trône, en 1245, Kubilaï Khan plaça un moine
du nom de Xueting Fuyu 雪庭福裕 (1203–1275) à la tête du
Shaolin du Songshan (Kubilai expulsa tous les anciens moines et Fuyu fut
responsable d’un remaniement général de l’ordination des moines de Shaolin
coupant avec l’ancienne tradition. Il créa la méthode de distribution des noms
bouddhistes appliquée à chaque génération. Celle-ci est encore utilisée de nos
jours). Fuyu, acquérant des mérites auprès du monarque et ayant une excellente
relation avec le moine Yelu Chu Cai, moine guerrier émérite du Khan, reçu la
permission de ce dernier d’ouvrir 5 autres temples subsidiaires. Ces derniers
furent érigés à Helin, Taiyuan, Chang'an, Luoyang et… pour celui qui nous
concerne, à Tianjin, conté de Ji sur la montagne Panshan 盘山. De ces 5
temples, le seul et unique à avoir endossé le nom de “Shaolin“ fut le
dernier, le “Bei Shaolin Si“ [Monastère Shaolin du Nord].
Successivement, 23 temples subsidiaires furent
ajoutés, tous situés dans les plaines centrales.
L’histoire mouvementé du Bei Shaolin Si
Le monastère de Panshan ne fut pas réellement
construit et récupéré par le moine Fuyu. Le temple bouddhiste fut érigé sur la
montagne entre les dynasties Wei et Jin (220-317) et portait originellement le
nom de “Temple Faxing“ 法兴寺 [Temple
de l’Elévation de la Loi]. Selon le Panshan Zhi 盘山志 [Registre
de Panshan] en 1286 des moines Taoïstes du courant Quanzhen prirent quartier
dans la montagne Panshan et s’emparèrent du temple bouddhiste, détruisirent
tout ce qu’il y avait de bouddhique et changèrent son nom en “Qi Yun Guan“ 栖云观 [Palace des Nuages Perchés]. Les Taoïstes qui avaient
les faveurs du gouvernement depuis Gengis Khan et plus tard, localement, du
maire de Panshan, y restèrent alors jusqu’en 1315, date à laquelle les
bouddhistes récupérèrent le monastère après 30 ans d’affrontements et de
querelles politiques.
C’est finalement l’Empereur Renzong 元仁宗 qui trancha suite à la réclamation du moine Chao Yunwei,
disciple de Fuyu.
Le monastère
changeant alors une nouvelle fois d’obédience et se vit finalement attribué
officiellement le nom de “Bei Shaolin Si“ [Shaolin du Nord] 70
ans après l’approbation de construction des 5 monastères donnée par Kubilaï Khan
à Fuyu. Il est dit que Yun Wei revient alors briser lui-même la stèle arborant
le nom Taoïste du temple.
Par la suite, nous savons que sous les Ming
(1368-1644) le temple fut restauré. Des Qing (1644-1912), nous devons la restauration
(les Taoïstes la détruisirent sous les Yuan) de la pagode blanche Duobao 多宝 [Immense trésor] à 13 étages très caractéristique, toujours
debout aujourd’hui.
Bien que de petite taille, il semble qu’au moins au
début de la dynastie Qing le temple fut relativement riche. A cette période les
habitants de la région appellent le temple Shaolin “le temple le plus riche et
le plus célèbre de Panshan“.
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Pagode Duobao dans les montagnes de Panshan
|
La montagne Panshan, jardin de Tianjin, terrain de
combat et villégiature des Empereurs
La montagne Panshan est réputée pour sa beauté. Elle
est considérée comme étant les jardins de l’arrière-pays de Tianjin. De ce
fait, les Empereurs Qing aimaient y venir s’y détendre. Ainsi, l’Empereurs
Kangxi visita la montagne par deux fois. L’Empereur Qianlong, son petit-fils, y
vint 31 fois et se fit construire une résidence [Résidence Jingji] à seulement 6km
du temple de Shaolin du Nord. Qianlong visita au moins officiellement le
temple du Shaolin du Nord en février de la dixième année de Qianlong, en
juillet de la treizième année et en février de la dix-septième année. Il visita
également Shaolin du Songshan une fois en 1750.
Il écrira 200 poèmes sur la montagne Panshan. Sur ces 200, 7 seront
spécialement dédiés à Shaolin du Nord.
Un d’entre eux est nommé Shaolin
Si 少林寺 [Temple Shaolin].
少林有南北,对峙不为孤 Shàolín yǒu nánběi, duìzhì bù wéi gū.Il y a Shaolin du nord et du sud,
cette opposition n’est pas unique *
忍草一庭静,禅林成嶂挟 Rěncǎo yī
tíng jìng, chánlín chéng zhàng xié.(Pour) Tolérer la rudesse le hall
principal est calme, le temple fini accroché à la falaise 闲轩聊可憩,佳景自相输 Xián xuān liáo kě qì, jiājǐng zì xiāng
shū.Rester au pavillon discuter permet de
se reposer, la beauté du paysage auto-transporte 忆逊豫巡者,曾临面壁图 Yì xùn yù xún zhě, céng lín miànbì tú.
Souvenir de la visite du modeste Yu (la province du
Henan), une fois avoir fait face à
l’image sur le mur (l’image de Bodhidharma imprimé dans la grotte)*Qianlong ne fait
pas allusion au Shaolin du nord comme étant celui du Henan et Shaolin du sud
comme étant celui du Fujian, mais bien du Shaolin de Panshan (Tianjin) comme
étant celui du nord et Shaolin du Songshan (Henan) comme étant celui du sud, ce
dernier étant placé géographiquement plus au sud.
Parallèlement, la montagne occupe une place
géographique stratégique qui conduisit à en faire un terrain de bien des
affrontements. Situé à 28 kilomètres au sud de la Grande Muraille de
Huangyaguan, 120 km au nord de Tianjin et à 90 km à l'est de Pékin, la région,
le temple et ses habitants furent grandement exposés à la violence, aux
attaques Mandchous répétés (trois massacres de grande ampleur de la population
eurent lieux dans le comté), Japonaises... ce fut un terrain très disputé
depuis la dynastie des Qi du Nord (550-557) (date de création de la grande
muraille à cet endroit).
Cette situation attribua aux habitants et paysans du
coin un esprit solide et résistant autant que la possibilité de développer des
arts de combats efficaces, nous y reviendrons...
Ensuite, en 1928, à la suite de l’attaque Shaolin du
Songshan par le seigneur de guerre Shi Yousan 石友三, (1891–1940) et des rumeurs affirmant qu’un autre
seigneur de guerre nommé Sun Dianying 孙殿英 (1887–1947)
se dirigeait avec ses troupes vers le temple du nord, ce dernier se vida partiellement
de ses moines… bien que certains continuèrent à y enseigner.
En 1939 des bandits attaquèrent le temple, attachèrent
les moines et les employés, détruisirent des stupas et pillèrent les reliques
en or. L’abbé du monastère à ce moment-là, maître Dacheng 大成, se réfugia dans un des temples subsidiaires du
Shaolin du Nord (bien qu’il fût lui-même un temple subsidiaire, il possédait
également d’autres temples subsidiaires). L’abbé Dacheng y décéda avant d’atteindre
ses 60 ans. Deux moines apprentis furent priés de rester dans le temple,
ceux-ci se firent tuer quelques temps après.
Il s’ensuivit
la guerre sino-japonaise lors de laquelle en mai 1942 le temple fut entièrement
détruit, ne laissant debout, bien qu’en mauvais état (criblée de balles), que
la pagode blanche à 13 étages trônant sur la montagne adjacente du petit
complexe. Pagode à l’intérieur de laquelle se tenait des réunions militaires
secrètes anti-japonais. Résistèrent également, quelques vestiges de petits
stupas de pierres occupant initialement la partie avant du temple (25 stupas
existaient originellement mais des glissements de terrain en firent tomber la
plupart. Les recherches entreprises plus tard permirent de toutes les
retrouver).
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Ruines des murs d'origine du temple
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Stupas de pierre mis à jour durant les fouilles
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Le Bei Shaolin Si retrouvé
Des suites de cette dernière attaque, le temple fut
totalement détruit, ne laissant donc que sa pagode debout. Durant la guerre
sino-japonaise, les villageois, très inventifs et pas résilients pour un sou,
se servirent des briques du temple pour reconstruire leurs habitations mais
également pour bâtir des murs à l’entrée de grottes destinés à se cacher et
mener des attaques surprises. Il en résultat que le temple fut démantelé au
point d’en faire oublier sa location aux habitants du coin.
En 1979 le maître Gao Wenshan
高文山 de
l'Institut d'éducation physique de Tianjin entend pour la première fois parler de Shaolin “du
nord“. Au début des années 80, lors de championnats régionaux à Tianjin, il rencontre
un pratiquant du nom de Shang Baoliang. Ce dernier se dit être descendant de la
boxe du fameux monastère perdu de Panshan, à travers une lignée de famille dont
il est le 6ème descendant. Gao Wenshan visita alors le comté de
Jixian plusieurs fois jusqu’à sa découverte de la pagode blanche Duo Bao. Après
plus de 40 ans de disparition, la location exacte du Bei Shaolin Si fut
redécouverte.
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Maisons que les villageois rebâtirent sur les ruines du temple Vous pouvez apercevoir au fond la pagode Duobao |
Entre 2002 et 2003 l’abbé du Shaolin du Songshan Shi
Yongxin, se rendit sur les vestiges du temple du nord. Il tenta de plaider les
instances gouvernementales sur l’intérêt de reconstruire le monastère, mais
rien ne démarra jusqu’en 2007. A cette date des fonds furent trouvés et sous le
soutient du monastère Shaolin du mont Song, un projet de reconstruction fut
amorcé.
La reconstruction débutât en décembre 2007. Pour se
faire, l’architecte Taiwanais Liu Peisen fut commissionné. Il utilisa les
anciennes méthodes de construction et l’édifice se réalisa dans un souci de protection
écologique et environnementale. La direction stratégique du temple Shaolin du
Nord est différente de celle de son père du Songshan. Etant dans une zone plus
reculée, son orientation est davantage tournée vers le bouddhisme que vers le
tourisme (bien qu’il soit fait la promotion du Kung-fu, de la médecine et du Dharma),
les structures touristiques et commerciales sont moins présentes qu’autour de
Shaolin du Songshan. Bien que le temple fût rebâti bien plus grand qu’il ne le
fut par le passé, il se veut être un lieu naturel, paisible et simple pour la
pratique spirituelle.
|
Temple Shaolin du Nord tel qu'il est de nos jours
|
Les arts martiaux
du Bei Shaolin Si 北少林寺武术
Les
pratiques Shaolinesque ont fait couler beaucoup d’encres. Ici encore, il demeure
divers niveaux de compréhension. Il y’a premièrement les inconditionnels
pensants que tout ce qui se fait à Shaolin est authentique, complet, et ne fut
pas remanié. Il y a ensuite ceux étants pleinement conscients que les pratiques
du monastère sont des bribes récupérées dans les villages alentours au début
des années 80 et qui furent enseignées par des vieillards se souvenant de ce
qu’ils pouvaient. Ces derniers pensent généralement que l’art martial
authentique de Shaolin est mort. Est-ce vraiment le cas ?
Plusieurs
écoles se réclament encore aujourd’hui du Shaolin du Nord. Sont-elles vraiment
légitimes et que décèlent elles de concret à étudier ?
Diverses
pratiques martiales proviennent des villages entourant Panshan. Certaines boxes
sont aujourd’hui également enseignées dans les villes de Tianjin et de Pékin. Un maître important de l’institut d’éducation
physique de Tianjin du nom de Zhou Shulin 周树林 apprit les
arts martiaux authentiques de Shaolin auprès de Maître Hu 胡师傅 au temple
Tanzhe 潭柘寺 à Pékin. Le dernier
abbé du temple Shaolin du Nord fut ordonné au temple Tanzhe à Pékin. Des
relations existaient entre ces deux monastères, il n’est donc historiquement
pas impossible de trouver des boxes authentiques de Shaolin à Pékin et Tianjin.
Cela
étant, de ces pratiques, une se démarque… il s’agit de la boxe de la famille
Shang 商氏拳 [Shang Shi Quan] ou 商氏家 [Shang
Shi Jia]. Si des arts martiaux continuèrent d’être pratiqué au temple, sa
destruction de 1942 créa une disparition
publique de ses arts. S’il est possible que d’autres systèmes aient pu
entièrement, ou partiellement subsister quelque part, la boxe de la famille
Shang est celle à ce jour possédant la plus grande légitimité et arborant une
lignée claire tout autant qu’une pratique complète.
Preuve en est, en 2008, le Comité du patrimoine
immatériel de Tianjin approuva la Boxe de Shaolin du Nord de la famille Shang
en tant que patrimoine culturel immatériel.
Également, fait UNIQUE ! Maître Shi
Yongxin, l'abbé du temple de Shaolin du Songshan, a écrit dans le document : "Les
arts martiaux du Shaolin du nord sont toujours hérités par les habitants du
comté de Jixian. Il y a une famille Shang qui pratique les arts martiaux du
Shaolin du Nord depuis des générations. Nous avons examiné ses routines et les
bases de ses arts martiaux. Les caractéristiques sont dans la même lignée que
celles du temple Shaolin. "
Shang Shi Zhi 商仕芝 le maître
fondateur
Shang
Shi Zhi 商仕芝 (1795—1880) est le
premier ancêtre dépositaire de cette boxe Shaolin du Nord. Selon les registres
du comté : Shi zhi, descend d’une famille de Bannière Bleu (une des 8 bannières
militaires mandchous) originaire de Tieling, dans le Liaoning. Alors qu’un vol
de bol en or eu lieux à l’époque de Qianlong, il se trouva que la famille Shang
en possédait un identique. Par crainte de poursuites judiciaires, de nombreuses
personnes portant le nom de Shang se sont expatriés dans le village de
Gongleting 公乐亭, comté de Jixian 蓟县, Tianjin.
Shang Shi Zhi né à Gonleting. Il étudia jeune les
arts martiaux avec son père puis suivit l’enseignement d’un maitre nommé Sheng
durant deux ans qui fut semblablement un fugitif. Après l’arrestation de ce
dernier, la famille trouva dans sa demeure une note présentant le maitre comme
étant le descendant des arts martiaux de Sheng Ying 盛英武术传人. A ses 13 ans il partit étudier au monastère de Shaolin du Nord auprès
du moine Jingli 景礼 durant 6 ans. A l’aube de ses
20 ans (il est mentionné au cours de la 20e année de Jiaqing (1815)), Jingli
permit à Shang Shi Zhi de quitter le monastère. Il fut ensuite recommandé et
servit comme Garde Impérial à la cour. Certaines sources avance qu’il aurait
quitté son poste pour partir également étudier au monastère de Songshan durant
4 ans. Quoi qu’il en soit, il retourna par la suite à Jixian enseigner à de
nombreux élèves et aurait possiblement ouvert plusieurs écoles à Tongzhou, Bangjun, Jiangjunguan, Yuyang, dans la
ville de Jizhou, et dans son village Gongleting. Il enseigna aussi bien les
hommes que les femmes, les pauvres que les riches, les gens portant le nom de
famille Shang que les autres.
En juin de la 5ème année de l’Empereur Xianfeng
(1855), Shang Shizhi, qui avait plus de soixante ans compila ses connaissances
dans un Quan Pu [manuscrit de la boxe] toujours en possession des descendants
de la famille Shang, l’entreprise lui prit 6 ans.
Shang Shi Zhi eut quatre filles qui à leur tour firent
perdurer la tradition enseignant comme leur père massivement aux paysans du
coin.
De
nombreuses histoires courent à son sujet. Il aurait chassé seul des tigres des
montagnes proches de Gongleting, son petit village natal. Plus tard lorsqu’il
était à Pékin durant la guerre de l’opium, il aurait vaincu plusieurs soldats français
qui intimidaient des chinois aux abords de l’église Nanyuan. Ces derniers
l’auraient ensuite encerclé avec leurs fusils dans une maison de thé. Shang Shi
Zhi aurait alors utilisé des Shui Jian 水箭 [fléchettes
d’eau] pour les vaincre. Il aurait également vaincu un maître de boxe et
“escorteur de bien “ du Shandong nommé Wei Changchun, venu pour le défier.
La descendance de la famille Shang
La boxe familiale en est aujourd’hui à sa 7eme
génération. Des 300 habitants de Gongleting, 180 portent le nom de famille
Shang. Fait rare, la famille à fait perdurer le système de nomination
traditionnelle, le second nom revenant par cycle à chaque génération. Malgré
les vicissitudes de l’histoire, la pratique ne s’est jamais interrompu grâce à
l’abnégation du peuple de Jixian, communauté que l’on sait être dur au mal en
raison de leur histoire et situation géographique importante. De nombreuses
personnes du village de Gongleting et des environs pratiquent les arts martiaux
de la famille Shang dans leur temps libre à l’abris des regards. Également, durant
la guerre contre les japonais, de nombreux maitre de Shang Shi Jia se sont
illustrés et/ou ont formé des bataillons au combat.
Son représentant le plus
important est Shang Baoliang 商宝良 né en 1947 de la 6ème
génération et descendant de Shang Shi Zhi. Il apprit la boxe de ses père et
grand-père. C’est par lui qu’il fut possible de retrouver, à l’aide de Gao
Wenshan, l’emplacement du temple du nord.
|
Shang Baoliang à l'âge de 58 ans, exécutant une forme combinée utilisant la béquille et le sabre vs la lance. |
Shang Baoliang est en possession du manuscrit de son ancêtre Shang Shi Zhi. Durant la révolution culturelle, Shang Baoliang emmura le manuscrit dans sa maison afin de le protéger de la destruction des gardes rouges de Mao. De sa confession, il l’a pendant longtemps oublié. Ce n'est que lorsqu'il remit sa maison en état qu'il se souvenu soudainement que ce précieux manuscrit était toujours conservé chez lui.
|
"Quan Pu daté de la onzième année de règne de l'empereur Xianfeng" |
Il fut avec
un autre boxeur nommé Li Guoming, l’initiateur d’un regroupement d’anciens
boxeur de la boxe familiale ayant pour but de promouvoir et faire reconnaitre
leur pratique. C’est la raison qui le poussa à participer aux compétions de
Tianjin lors desquelles il rencontra Gao Wenshan de l'Institut d'éducation
physique de Tianjin. Durant les années 80 il organisa de nombreuses
démonstrations dans divers villages.
En 2006, Shang Baoliang et plusieurs villageois visitèrent
le temple de Shaolin du Songshan pour rencontrer l'abbé Shi Yongxin et lui démontrer
leur pratique. Ce dernier statua que la boxe de la famille Shang était
indéniablement une pratique associée à celle de Shaolin.
Aujourd’hui le flambeau est passé à son fils Shang
Mianhui dont il constitut la 7ème génération avec Shang Mianjian,
Shang Yangsheng, Shang Yanhu , Shang Yanchen , Shang Yanhong , Shang Baohong ,
Shang Baojiang , Shang Baochun , Shang Baoming, Li Kaiyuan , Zhou Haimin , Geng
Zhiyuan , Jin Tie Jun, Tian Guoxin, Liu Changhong, Liu Jiuwei, Zhang Jianjun ,
Wang Lijun , Wang Peng , Jing Dezhong, Zhao Xuewen, Zhang Xuejun , He
Pengsheng, He Jing , Zhao Yongsheng.
|
Shang Mianhui, fils de Shang Baoliang, aujourd'hui 7 ème génération et responsable de la diffusion de l'école
|
Curriculum de la boxe Shang de Bei Shaolin
商氏家北少林
La
boxe Shaolin du Nord de la famille Shang possède une 40ène de routines et
compte “20 manœuvres“ de boxe différentes et “12 clefs du succès“. En suivant,
voici un large aperçu de ce que j’ai pu répertorier de leur curriculum.
Les
Quan Pu [manuscrit de la boxe] de Shang Shi Zhi comprennent : Tongbei Quan
Pu 同备拳谱 [manuscrit
du Tongbei], Pao Tui Ge Shi Er Lu 12 炮腿各十二路 [formes de jambe canons en 12 sections], Wulong
Qiang Pu 乌龙枪谱 [manuscrit
de la lance du dragon noir], Qingyun Dao Pu 青云刀谱 [manuscrit du sabre du ciel dégagé].
Les
formes mains nues comportent :
Mei Hua Quan 梅花拳 [boxe de la fleur de prunier], Taizu Quan 太租拳 [Boxe
de l’empereur Taizu], Taihe Quan 太和拳 [boxe de la
grande harmonie], Wu Feng Pao 五封炮 [ canons des 5 sceaux], Hong
Quan 洪拳 [la boxe Hong], Qian
Kun Quan 乾坤拳 [boxe des trigrammes Qian et Kun (ciel et terre)],
Ri Yue Quan 日月拳 [boxe soleil/lune], Fei Hu Quan 飞虎拳 [la boxe du tigre volant], Liu Jia Shi 六甲式 [forme des 6 dieux] etc…
Les
Sanshou comptent : Tong Bei
Lian Shou 同备散手 [séparation
des mains conjointent], Yi Bai Yi Zhao 一百一招 [101
prises (que Shang Shi Zhi modifia en 112 prises)]
Les
Duida [enchainement avec partenaire mains nues] comptent : Jingang Ba Zhao 金刚八招 [8 prises des Jingang], Kao Da 靠打 [frappe
en bousculant], Liu He Duida 六合对打 [Duida
des 6 coordinations].
Les
armes comptent : Bagua Qiang 八卦枪 [lance du Bagua], Feng Mo Gun 风魔棍 [bâton du
démon du vent], Yecha Gun 夜叉棍 [bâton du Yecha], Wulong Qiang
乌龙枪 [lance du dragon noir], Hua Qiang 花枪 [lance fleurie], Lu Kou Qiang 陆口枪 [lance de l’entrée de la terre], Mei Hua Qiang 梅花枪 [lance fleure
de prunier], Qing Yun Dao 青云刀 [sabre du ciel éclairci], Lian
Huan Dao 连环刀 [sabre enchainé], Lu Kou Dao 陆口刀 [sabre
de l’entrée de la terre], Wu Hu Duan Men Dao 五虎断门刀 [sabre des 5 tigre qui casse la porte], Liu He
Shuang Dao 六合双刀[doubles sabres des 6
coordinations], Chun Qiu Da Dao 春秋大刀 [hallebarde
des printemps et automne] etc…
Les
armes combinées comptent :
Sabre contre lance, doubles sabres contre lance, hallebarde contre lance, tri-bâton
contre lance, sabre simple et béquille contre lance…
Les
méthodes d’entrainement du gong comportent : Yin Quan Gong 阴泉功, Tie Sha Zhang 铁砂掌 [paume sable métal], Dian Shi Gong 点石功 [travail de la pierre], Shu Zhuang Gong 术桩功 [méthode du
pilier], Qing Gong 轻功 [travail de la légèreté], Zu She Gong 足射功 [travail des coups de pieds], Pai Da Gong 排打功 [travail d’expulsion des frappes], Sha Bao Gong 沙包功 [travail
de sac de sable].
Les
compétences médicales incluent :
la médecine pour fortifier et les lotions, le Yangshen Gong 养生功 [travail de santé interne], Lun Jin Gong 轮睛功 [roulement
des yeux], ainsi que 扣齿弹耳 [impossible
à traduire pour moi…] et pour finir le Jiu Ji Shi Ba Shang Zhi Shuo 九忌十八伤之说 [9 théories pour éliminer les 18 blessures] (certains
des termes étant des pratiques spécifiques au système, elles me sont
complètement inconnues, il m’est donc impossible de les traduire).
Conclusion
Il
exista donc bien historiquement un temple rattaché à Shaolin portant le nom de
“Bei Shaolin Si“ [Shaolin du Nord] sur la montagne Panshan dans
l’arrière-pays de Tianjin et celui-ci ne doit pas être confondu avec le temple
immensément connu du Songshan dans le Henan. Le temple du nord fut donc
un temple subsidiaire à celui du Songshan et fut de bien moins grande taille.
Il semble malgré tout qu’il eut une certaine position dans les montagnes, les
visites répétés de Qianlong et ses nombreux poèmes en témoignent. A ce niveau,
il eut comme son père une histoire cyclique. Une pratique martiale y fut bien promulguée et
divers arts se disent en descendre à tort ou à raison. De ces boxes, celle de
la famille Shang [Shang Shi Jia ou Shang Shi Quan] est
certainement, à ce jour, la plus légitime. L’abbé Shi Yongxin que l’on sait
être très regardant en ce qui concerne l’histoire et les affiliations (beaucoup
tentent de profiter du rayonnement de Shaolin) valide pleinement autant le
temple du nord, qu’il dit avoir rencontré dans les archives du temple, que la
boxe de la famille Shang, pour laquelle il trouve des ressemblances avec les
pratiques du Shaolin du Songshan. Les manuscrits de la famille Shang après
vérification s’avèrent être authentique, ce qui est infiniment rassurant.
Pour
ma part, si je devais pratiquer pleinement un art martial estampillé Shaolin,
je choisirais certainement la boxe de la famille Shang dont le style est
complet et dont les racines sont indubitablement la pratique des moines de
Shaolin du milieu de la dynastie Qing.
Il
me paraît invraisemblable que sa redécouverte et son authentification, tout
autant que les pratiques martiales qui en découlent, ne causèrent plus de
remous dans la diaspora martiale. Comment est-il possible que personne en
occident ne connaisse ne serait-ce que son existence… ? Peut-être est-ce
dû à sa totale reconstruction, le site originel n’ayant rien laissé ? Dans
le bouddhisme, l’important est moins l’édifice que l’emplacement du lieu de
culte. Si tel un cycle, au même titre
que son père du Songshan, son histoire se relève, il me semble le temps de sa
gloire n’est pas encore pour maintenant…
Références :
Article
chinois :
- 商氏和北少林 du 商氏资讯
https://mp.weixin.qq.com/s/lSI_K_t9tAvM0daXgPuoKw
- 北少林武术的历史研究 du 童蒙正身
https://mp.weixin.qq.com/s/lFri_Wq8k8pOxhbPwN-91w
- 渔阳武术之商氏北少林武术 du 商氏资讯
https://mp.weixin.qq.com/s/bLP6TqsFlmLpiCNKI39tqg
-北少林武术一代宗师——商仕芝 du 商氏文化研究会
https://mp.weixin.qq.com/s/0c_Kw7HXIlySBUOgD_kZ2A
- 北少林功夫天津後繼有人 上世纪农村后生们练武影像 du 京武功夫 炼拳纪与修行手札
https://mp.weixin.qq.com/s/yJNzb-liekXWdyQxkLbmuQ
- 北少林武术的历史研究 du 童蒙正身
https://mp.weixin.qq.com/s/lFri_Wq8k8pOxhbPwN-91w
- 北少林武术商家拳创始人商仕芝传
http://ren.wfeng.net/name/mingjiadieshi/201805/1622.html
- 北少林寺考
du 高文山
https://mp.weixin.qq.com/s/NywmIG5KZpv59T64avPNtA
- 【商姓名人】北少林武术第七代传人—商绵辉
https://mp.weixin.qq.com/s/tKHjxa8CPDj2jMfHdmVCmA
- Shaolin.or.cn site officiel du monastère
- The North Shaolin Monastery-History, culture and
réincarnation
Shi Long (2013)
-Tea Serpent, Tory Ellarson