Tao Lu |
L’étude des
formes est une des partie intégrante de l’art martial ancien. Dans cette
nouvelle ère, nous pouvons naturellement nous questionner sur leur bien fondé et sur leur réelle utilité.
La question
n’est pas tant de savoir si vous aimez pratiquer les formes, mais plutôt de
déterminer leur importance dans le développement de vos qualités de
combattants.
Donc la
pratique des formes est-elle un cérémonial suranné n’ayant finalement pas autant
d’intérêt que ce que les écoles de Wushu lui attribuent de nos jours ?
Les Tao Lu,
sont des enchaînements de mouvements, une sorte de code à suivre pour
s’approprier un système de combat en suivant sa stratégie spécifique. Comme je
l’ai déjà mentionné à diverses reprises, ces enchaînements sont le répertoire
technique du système. Leur intérêt réside majoritairement dans l’apprentissage
des techniques du système étudié.
Elles
forment également le corps à adopter la structure adéquate. Chaque style est différent
et ces différences sont le pilier même sur lequel les formes sont créées. Étant
codifiées dans un système d’attaque et de défense prédéterminé, elles
enseignent finalement aussi à réagir de façon spontanée, en réaction réflexe.
Les
Tao Lu servent donc à :
- Apprendre
les techniques du style,
- Former le
corps,
- Développer
la compréhension et surtout l’utilisation de la stratégie de combat,
- Développer
les réactions instinctives.
Diverses
écoles
Chaque école
a développé des Tao Lu selon ses besoins. Prenant en compte les dangers
auxquels les pratiquants devaient faire face, l’endroit dans lequel la boxe
devait être utilisée mais également selon la vision de
« l’efficacité » qu’avait leur créateur.
Ainsi, le
style Tsai Li Fo (Choy Lee Fut en cantonais) fut créé pour combattre des
adversaires en nombre supérieur, la stratégie est basée sur des mouvements en
balancier puissants.
Le style Xin
Yi Quan est fondé majoritairement sur une force pénétrante directe et les
formes sont linéaires.
Le Chuan
Quan, la boxe des bateliers se pratique sur « l’emplacement ou un bœuf
peut s’allonger » par manque de place sur les bateaux. Les positions sont
basses afin d’assurer la stabilité du pratiquant dans les eaux mouvantes.
Certains
styles se pratiquent avec des formes courtes très explosives, tel le Baimei
(Pakmei en cantonais). Certaines autres, très longues mais plus lentes,
pratiquées plus basses pour développer l’enracinement des membres inférieurs
comme le Hongjia (Hung Gar en cantonais). Encore d’autres, longues et rapides,
pour développer le stamina tel le Tsai Li Fo (Choy Lee Fut en cantonais).
Généralement,
les déplacements se font, pour les boxes du nord, sur un axe linéaire alors que
les systèmes du sud s’articulent autour d’un déplacement en croix.
Pourrons
nous utiliser les enchaînements des formes textuellement, à l’identique des
formes ?
Bien que ce
ne soit pas impossible, la réponse correcte devrait être
« difficilement ». Et ce, pour plusieurs raisons.
Le combat, c’est
l’adaptation. L’adaptation au changement de situation, l’adaptation immédiate
au changement de données. La forme est créée pour donner une réponse A à une
attaque B. Si l’attaque arrive, tel que dans une situation donnée d’une de vos
formes, il est possible que votre réponse soit immédiate et propre.
Mais ce
genre de configuration idéale ne se rencontre pas toujours. C’est ici que
l’assimilation de nombreuses formes provenant D’UN
MÊME SYSTÈME est
importante.
En effet, il ne s’agit pas de collectionner juste pour le plaisir
d’avoir une multitude de formes, mais bien d’amasser suffisamment
d’enchaînements différents répondant à des situations et changements multiples.
Un trop grand nombre de forme est difficile à réellement maîtriser par manque
de temps, un trop petit nombre ne donnera pas suffisamment de réponses. Ici,
nous parlons bien de maîtrise (d’une forme), pas seulement d’apprentissage.
Je tiens
d’ailleurs à rappeler que dans le passé, l’élève joignait la classe pour
apprendre à se défendre, pas pour saisir l’intégralité du style. C’était
suffisant pour une majorité. Le maître n’enseignait d’ailleurs souvent pas les
mêmes formes en fonction de l’envie et surtout, de la morphologie de l’élève.
Peu accédaient à l’ensemble des connaissances.
Un
petit parallèle
Si je
devais faire un parallèle imagé pour
décrire l’importance des formes, j’emploierais l’exemple de l’alphabet.
A la petite
école, nous apprenons en premier lieu l’alphabet, puis, les syllabes, puis,
viennent les mots. Avec ces mots arrivent les phrases. Au départ, nous ne
créons pas, nous apprenons à nous servir de ce qui existe déjà. Par la suite, à
force de lire, nous pouvons nous-mêmes créer, produire d’autres livres. C’est un exercice simple, nous écrivons tous
les jours, posons des mots les uns à la suite des autres sans cesse et ce,
grâce aux bases que sont l’alphabet et la
grammaire (les techniques des formes et la stratégie). Nous ne créons pas des
mots (mouvements), mais nous créons de nouveaux textes (combos) suivants
l’emplacement de ces mots.
Un système
bien fondé doit contenir des formes combinant des défenses et des attaques sous divers angles, des enchaînements créés à
partir d’une frappe, se déroulant d’une certaine façon ; dans une autre
forme, partant d’une frappe identique à la précédente, mais se déroulant
différemment donnant ainsi diverses possibilités de réponse. Ces réponses
doivent être infinies.
La
séparation des mains
Doit ont
pour autant s’y coller intrinsèquement ?
Si les techniques du système sont contenues dans les formes, toutes les
combinaisons possibles n’y sont pas. Nous abordons donc maintenant la pratique
du Shou Fa (Sao Fat en cantonais), la loi des mains. Il est question maintenant
de créer de nouveaux combos avec un partenaire, suivant la stratégie de combat
et les règles que les formes nous ont inculquées.
La création se fait donc de
façon stratégique, nous n’enchaînons pas n’importe quoi avec n’importe quoi, nous devons créer en suivant la grammaire, en
toute logique.
Un
code brouillé ?
Un certain
nombre de pratiquants avancent que leur système fût créé dans un souci de
protection des techniques. Les applications seraient donc bien cachées dans les
enchaînements. Je ne pense personnellement pas que ce fut réellement le cas, et
s’il en est, c’est complètement aberrant.
Comme précité, la valeur première des
enchaînements et d’inculquer à l’adepte à avoir des réponses réflexes lors
d’une confrontation. Dans ce cas, le pratiquant s’entraînerait sans relâche à
répéter des mouvements qu’il devrait finalement changer ou adapter au moment de l’affrontement, sous
stress, pour coller à la réaction de l’ennemi ? C’est anti-pédagogique,
anti-pragmatique et totalement absurde d’un point de vue de la mécanique
réflexe.
Je pense
pour ma part que ce sont des systèmes mal créés et pour preuve, il résulte
généralement de ces écoles une pratique de type Kick boxing en guise de
combat ; l’impossibilité d’appliquer faisant état.
En bref, si
le code est trop crypté, on finit par ne même plus savoir le lire.
La
forme est donc l’essence du style, son alphabet, un bien nécessaire dans
l’apprentissage de ce que l’on nomme « Arts Martiaux ».