L’histoire des styles est souvent
auréolée de mythes et de légendes. C’est également le cas pour notre bien aimé
Pakmei.
J’avais ultérieurement rédigé un article sur ma visite du
Emei Shan accompagné d’un groupe d’élèves à la source prétendu de notre clan
lors de notre second voyage d’école.
Pour le troisième voyage d’école, je voulais poursuivre la
recherche de « l’ancêtre sacré ».
Du point de vu légendaire, le maitre Pakmei fut un renégat
ou un des 5 rescapés de l’incendie de Shaolin du sud, province du Fujian. Le
temple de Shaolin de Quanzhou est donc sensé être le début de tout et devrait
être un lieu de pèlerinage des Hung Gar, Wing Chun et évidement de tous autres
styles se réclamant du Shaolin du sud. Il était donc temps ce coup ci de le
visiter et trouver, s’il en est, quel type de Wushu traditionnel y est
aujourd'hui pratiqué.
Nous voici donc parti pour la province du Fujian 福建. Situé à l’extreme sud est de l’empire du milieu, elle
touche la mer de Chine et est un lieu de production des thés blancs et thés
Oolong, dont pour la seconde catégorie, le très fameux Tie Guan Yin.
La province est également un haut lieu du Kung fu du sud.
Les styles fujianais sont très caractéristiques, le Taizu Quan « boxe de
l’empereur Taizu », le Wuzu Quan « boxe des 5 ancêtres » mais
surtout le fameux Bai He Quan « boxe de la grue » (origine supposé du
karaté d’okinawa) portent tous un goût commun.
C’est la première
fois que j’en foule le sol, je n’avais qu’une idée abstraite de ce à quoi la
province pouvait ressembler. Deux choses m’ont surprises, la première est la
quantité de temples et leurs designs très spécifiques à la province du Fujian,
que l’on peut également retrouver sur l’ile de Taïwan, la proximité et la fuite
de population expliquant naturellement le fait. Les toits des vieilles
habitations et des très nombreux temples sont concaves, très pointus et ornés
de façon exquise de statuts de qilin et dragons.
La seconde surprise concerna la végétation subtropicale. Des
bananiers, palmiers mais également des bambous peuvent y être admirés.
Situons le temple*
Le temple est situé au pied du mont Qingyuan Shan清源山à 3km la ville de Quanzhou 泉州市.
Quanzhou est une ville/préfecture,
coincé entre mer et montagnes. La population de la préfecture compte 8 128
530 habitants. Par le passé, le port de Quanzhou fut un haut lieu de commerce et d'échanges étrangers; Marco Polo l'aurait visité en faisant l'éloge sur sa prospérité en son temps.
Avec mes élèves et mon ami Lukas devant le hall principal, emplacement originel du temple |
Son nom d’origine était : Le temple Shaolin du courant Chan
de Zhenguo Est.
Selon le West Mountain
Magazine il fût battit sous la dynastie des Tang par le moine Zhikong du
Shaolin du Henan au nord. Depuis sa création, il a subit les vicissitudes de l’histoire.
Trois périodes fastes et trois destructions. La dernière fut commanditée par l’empereur
Qian Long durant la 28ème année de son règne (en 1763).
Depuis cette date, le temple fut laissé à l’abandon et
personne n’ait eu l’envie de le reconstruire jusqu’en 1992 (soit durant 230
ans).
Bâtisse originelle |
Aujourd’hui le temple est en construction continuel, le
gouvernement rajoute des bâtiments tout autour du lieu originel. Il est bâti sur
plusieurs niveaux, sous une forme
d’escalier. La partie originelle se situe au milieu.
Plan des différents édifices entourant le temple, avec au centre, la partie historique |
Revenons-en au récit.
Nous arrivons par train rapide dans la ville Quanzhou. Nous
passons la nuit dans une auberge de jeunesse d’une rue très animée.
Au matin, nous sautons dans un taxi direction le temple de
Shaolin. 10 minutes après, nous voici arrivés. Le temple se situe à l’extrémité
de la ville, au pied de la montagne qui
la surplombe et est extrêmement facile d’accès. Si vous imaginiez un temple
perdu au beau milieu des montagnes, il vous faudra en visiter un autre, le mont
Qingyuan n’est haut que de 498 mètres.
À notre arrivée, de jeune gens en tenues de moines trop
colorés semblent ranger armes et matériels de pratique, j’en conclu que nous
arrivons juste après la démonstration touristique du dimanche matin.
Après les traditionnelles photos, nous en faisons le tour.
Visite rapide, il ne faut q’une grosse heure pour en voir l’essentiel. Rien de
guère ancien, le monastère originel ayant été détruit et reconstruit récemment.
Une fois la visite terminée, nous pensons naturellement
repartir, rien d’exceptionnel à y voir, l’intérêt étant plus porté sur la localisation
que sur les bâtiments.
Une chose pourtant me contrarie, je savais qu’en dehors du Wushu moderne
commerciale, il était pratiqué au temple du Taizu Quan traditionnel. Difficile
pour moi d’accepter de n’avoir pas vu ou au moins avoir pu parler avec qui que
ce soit du ou des styles pratiqués ici dorénavant.
Alors que mon petit groupe se regroupe devant l’entrée, prêt
à reprendre la route du retour, je tourne pour ma part en rond, cherchant qui
pourrait bien me renseigner. Nous avions précédemment tenté une approche auprès
d’un groupe de jeunes qui semblaient être affiliés à une école, mais sans
succès.
Au loin, j’aperçois un homme, vêtu d’une tenue traditionnel,
possédant un certain charisme, le crâne rasé égrainant un chapelet. Je
m’approche de lui et tente un début de conversation. L’homme est avenant,
souriant, je lui explique que je suis venu voir du Gung Fu. Il me demande si je
pratique, je lui réponds que oui et lui dis que c’est du Baimei Quan (Pakmei en
mandarin). Il me répond que c’est un style qui provient de Shaolin. Je fus
étonné de sa connaissance du nom du style, il faut dire qu’en Chine, les
pratiquants ne connaissent très souvent que les styles très connus ou ceux de
leur région uniquement. Bien entendu, sa réponse dénonce une connaissance de la
culture martiale populaire seulement, servi dans les films des années 80 et la
répétition des mythes oraux sans réel recherche de preuve historique. Quoi
qu’il en soit, c’est un pratiquant et son aide va m’être des plus appréciables.
Il me dit d’attendre ici, il m’appel quelqu’un qui ne tarde
pas à arriver. Je rappel mon groupe. Durant ce temps, l’enseignant me quitte et
nous laisse mon groupe et moi même avec ce nouvel interlocuteur. Nous nous
présentons, son nom est Xu Qia Hong.
Le jeune homme est de stature solide, dans les 25 ans et
revêt une tenue de moine d’école.
Le jeune homme désire nous guider à travers le temple et ses
différents niveaux. Il nous emmène donc dans le premier hall, le plus bas. Ici,
il nous présente le bouddha et les 4 divinités protectrices. Nous remontons
maintenant sur le niveau au dessus et passons devant une cour. Il nous explique
que c’est l’espace d’entrainement. Que les élèves de l’école s’y entraînent 6h
par jour, 6 jours sur 7. Nous ne sommes pas chanceux, nous somme aujourd'hui
dimanche, il n’y aura aucun entraînement et aucune démonstration.
Je lui demande quel style est pratiqué de nos jours, sa
réponse ne me surprend pas, il s’agit majoritairement du Taizu Quan, la boxe de
l’empereur Taizu. Un style répandu dans le Fujian. *
Il me présente les pratiques générales trouvées ici sous le
nom de Wuzu Quan « boxe des 5 ancêtres ». Terme servant à regrouper
les 5 styles pratiqués ici et non pas comme étant le style de la boxe des 5
ancêtres en tant qu’entité propre. *
Spécificité des styles du Fujian, pratique du bouclier contre le bâton |
L'abbé Changding dispensant le cours de Taizu |
Les cinq styles sont donc :
Damo Quan « boxe de Bodhidarma », Lohan Quan
« boxe des disciple de bouddha », Hou Quan « boxe du
singe », Bai He Quan « boxe de la grue blanche », Taizu Quan
« boxe de l’empereur Taizu ».
J’ai pu lire par la suite qu’il est également pratiqué deux autres
styles au temple de Quanzhou, le Wujihuaquan et le Wumeihuaquan.
Le choix du style se fait sur les capacités naturelles de
chacun. De constitution solide, mon interlocuteur a choisi lui même le
TaizuQuan, style puissant et ancré. Je lui demande bien entendu si je peux
avoir un aperçu de son Gung fu. Après avoir consentit il nous emmena sur une
partie du temple moins fréquentée où il nous donna une démonstration de Taizu d’une
excellente qualité ! Rapide et puissant, un excellent représentant d’un
style lui convenant parfaitement.
Après sa très puissante démonstration, il me demande comme
je m’y attendais à voir mon Gung fu. Rien de surprenant, je savais que j’aurai
à m’exécuterpar la suite à la seconde où je le conviais à bien vouloir me démontrer
ses talents.
Lorsque vous pratiquez la Chine en recherche de kung fu,
vous devez être prêt à démontrer n’importe quoi, n’importe quand. Ce n’est pas
un exercice facile mais ça a le mérite de vous tester et de prouver de la
connaissance et maîtrise de votre style. Vous connaissez votre sujet, où vous
ne le connaissez pas, il n’y a pas de triche.
Je m’exécute donc instantanément et démontre à froid
« Soy Sam Sing » (Briser les 3 Étoiles), une forme courte mais rapide
de notre lignée. Ma prestation n’est bien entendu pas des meilleurs possibles
et comme me le font remarquer mes élèves, je n’étais certainement pas à mon
maximum. Enfin, quoi qu’il en soit j’ai fait le job ; passer après son
excellente prestation n’était pas chose aisée...
Il est maintenant temps de repartir pour nous, notre périple
n’est pas à sa fin et de nombreuses choses restent à voir sur notre programme. Xu
Qia Hong nous raccompagne à l’entrée, nous croisons le pratiquant m’ayant
aiguillé vers lui qui n’est finalement qu’autre que son maitre.
Nous les remercions chaleureusement de leur temps et de
l'échange et nous prenons congés d’eux, repartant vers notre prochaine
destination…
En compagnie du jeune maitre Xu Qia Hong après nos démonstartions |
* Tels que je le mentionne dans mon ouvrage sur le Pakmei de Foshan, il existe 3 localisations possibles pour le temple de Shaolin du sud. Un à Putian, un second à Fuqing et un dernier à Quanzhou. Il semblerait aujourd'hui que les historiens situent celuide Quanzhou comme étant probablement l'originel.
* À l’inverse du
supérieur de Shaolin du nord, « l’abbé » Xin Yong Sin qui est un
diplômé d’université en commerce/marketing, celui du Shaolin du sud l’abbé
Changding est un authentique pratiquant d’arts martiaux, dont la fameuse boxe
de Taizu.
*Il ne s’agit bien
évidement pas de Pakmei, Wing Chun ou Hung Gar, styles connus pour avoir été ceux
développés mythologiquement dans le temple.