LAO SIU LEUNG PAK MEI KUNE

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jeudi 26 novembre 2015

A la recherche de l’ancêtre sacré

                                                                                                                         Emei Shan le 19/11/2015
 
Oublier ses ancêtres c'est être un ruisseau sans source, un arbre sans racines...
Proverbe chinois
     Des cinq besoins capitaux de l'homme celui de l’appartenance à un groupe est un des plus essentiels. A un moment où à un autre, tout homme éprouve dans sa vie le besoin de partir à la recherche de ses racines, de se rapprocher de ses origines.

L'envie de partir sur les traces mythiques du style me titillait depuis longtemps. M’imaginant à certains endroits sur les pas du maître, me projetant dans une chine tumultueuse du milieu de la dynastie Qing, des monastères reculés, des mythes et légendes des montagnes...
Au dire de la légende, Sijo Pak Mei aurait créé notre style, combinant les techniques de Shaolin avec une pratique taoïste sur les monts Emeishan dans la très verte et humide province du Sichuan, habitat naturel du bambou, des singes sauvages mais surtout fameuse pour son symbol le plus connu, le panda.


Le mont Emei 峨眉山 « l’imposant sourcil » est un pic qui culmine à 3099m d’altitude, terminant sur le sol chinois la merveilleuse chaîne himalayenne. Elle est la plus haute et la plus importante des quatre Montagnes sacrées bouddhistes chinoises depuis le 6eme siècle et, est la source du bouddhisme de la terre pure*. Étant depuis le 17ème siècle le lieu de pèlerinage des bouddhistes, elle est l’emplacement du premier temple bouddhique de Chine au premier siècle de notre ère. Le pied de la montagne abrite aujourd'hui également le plus grand monastère de Chine, le temple de Dafu. Parmi les plus de cent temples que nous pouvions y trouver originellement, seulement deux douzaines ont survécu à Mao et sa maudite révolution culturelle.
 Une variété de 3000 espèces végétales et 1600 plantes médicinales poussent sur ses contreforts. Nous admirerons d’ailleurs un arbre âgé de 1000 ans plus tard sur notre route.

Son ascension complète ne totalisant pas moins de 60 000 marches, c’est sous un ciel très couvert, armés de nos bâtons de marche en bambou (qui sont également nos armes pour combattre les singes sauvages en cas de besoin),  que nous voici partis.


Une ascension difficile
     Arrivé au premier Check point, stupéfaction... le panneau affiche 52km.. Nous n’avons aucune idée du dénivelé mais quoi qu’il en soit, sur deux jours, avec plus de 25 temples à visiter, cela nous paraît infaisable... Nous avalons donc notre salive et s’en est parti, droit devant ! Premier escalier...300m d’une pente à 50°. Ok, nous comprenons à cet instant précis où nous venons de mettre les pieds... Les visages se font blêmes, pouvons nous le faire ? Où allons-nous dormir ? Ces questions hantent nos esprits à ce moment précis. Le ciel couvert et l’humidité extreme de la montagne n’aidant pas. Nous nous arrêtons à maintes reprises, rassemblant les retardataires, discutant de la solution à adopter pour rendre le périple moins pénible, mais surtout réalisable. Finalement, au bout d’une paire d’heure, nous nous donnons un but, une étape à atteindre pour passer la nuit et nous aviserons à ce moment là.






















Le reste de l’ascension se passe physiquement difficilement (des escaliers, encore et toujours des escaliers... qui pour en rajouter son très glissants) mais moralement plus sereine. Nous traversons les temples de Fuhu, Leiyin, Chunyang, le pavillon de Shenshui, Guangfu, le pavillon de Niuxin et de Qingying. Sur le chemin, nous dépassons un couple de chinois, dont la femme semble faire un pèlerinage, s’agenouillant toutes les x marches pour se prosterner. Son compagnon la suit, tenant le parapluie la protégeant de la petite bruine fine de l’humidité de l’endroit. À l’époque, les pèlerins de toute la Chine venaient témoigner le respect au bouddha de cette sorte, dans la souffrance du corps, ils recherchaient le salut de l’éveillé.. Ravi de voir qu’il y ai encore des gens de caractère pour effectuer l’ascension de cette sorte.



























Arrivant après 4h de marche au pavillon de Qingying, nous savons qu’il ne reste que 1km pour rejoindre notre point de chute, le temple Bai Long (le dragon blanc) où nous devons passer la nuit. Dans la journée, nous voulons visiter le plus gros monastère de cette partie de la montagne, le temple de Wangnian qui se situe lui aussi à 1km après le temple du dragon blanc, puis redescendre sur ce dernier pour y passer la nuit. Après donc une pause thé au temple Qingying, goûtant le thé spécial de la montagne, nous voilà repartit. Sur le chemin, quelques étales proposant des herbes médicinales de la montagne à des prix très abordables.


Passant donc devant le temple du dragon blanc, nous nous arrêtons pour y préparer notre nuit, visiter les chambrées et discuter du tarif qui sera de 30 yuans (environ 5 euros) pour la nuit par personne. Il est environ 16h30, nous nous remettons en route vers le temple de Wangnian à 1km plus haut.

Une nuit au temple


    Nous voici de retour au monastère du dragon blanc à la tombée de la nuit, la montagne est vide. Nos hôtes nous attendent pour 18h30.
Seuls au temple pour la nuit, le calme de l’endroit inspire le respect. Nous dormirons dans de petites cellules par chambrés de trois, puis de huit, séparées en deux pièces de quatre. L’humidité pénètre les chambres, les lits sont fait d’un sommier de bois, d’une petite couverture en guise d’épaisseur ayant déjà bien servi, d’un coussin humide d’une propreté très discutable et d’une couverture. Ce n’est pas un trois étoiles, mais nous le savions et c’était la raison de notre venu... A ce moment je me questionne, comment les moines arrivent-ils à vivre depuis des siècles de cette sorte, dans cette humidité 10 mois par an ?  



Pour l’heure, c’est le moment du repas. A 18h30, un bon repas fait de riz et de légumes qui ont tout l’air d’être cultivés non loin nous ai servi. Un plaisir végétarien pour les végans qui nous accompagnent mais également pour le reste de la troupe.


 Vers les 19h, nous sommes conviés à regagner nos chambres...  Nous avons beau être bien fatigués, il est trop tôt pour se coucher. Certains d’entre nous se font une toilette succincte à l’eau glacée qui sort dès robinets des toilettes communes. Suite à cela, nous nous retrouvons tous devant la porte de l’autel principal du temple, face à la petite cours intérieur. Nous discutons, relaxons nos membres fatigués par quelques stretchings, certains élèves révisent leurs formes, tout cela dans un calme respectueux. Nous avons conscience d’être privilégiés, un vrai rêve éveillé, le temple est à nous, pas de touriste, rien... à l’exception du moine supérieur qui s’applique aux cérémonies du soir nous passant à côté sans nous porter attention. Nous resterons ici jusqu’à 22h environ.

Dès 5h45, avant la levée du jour, réveil au son du gong par le moine qui a tout l’air d’être l’abbé du monastère. En effet, lorsque l’on séjourne dans un temple, il faut se plier aux règles de la rude vie monacale.. Petit déjeuner frugal fait d’une sorte de soupe de riz bouillie sans véritable goût, accompagné de pain vapeur n’en ayant pas plus...
Le départ se fait sous un ciel bleuâtre, brumeux… Il est 7h du matin, la montagne semble déserte, une atmosphère sereine, brumeuse, rappelant des scènes du film Tigre et Dragon, un de mes moments préférés de l’aventure...


Suite de l'ascension
      N'étant sur la montagne que pour 2 jours, nous avons dû trouver une solution permettant le trekking initialement prévu tout en permettant de pouvoir finir dans les temps. Nous redescendons à pied vers une station de bus se trouvant à 1h30 en contrebas, qui nous permettra de nous rapprocher du sommet. De cette sorte, nous finirons les 8km qu’il restera ensuite à pied.
Arrivé à 10h30 à notre nouveau point de départ plus haut dans les cimes, nous rencontrons un petit groupe de singes sauvages. 800 macaques du Tibet vivent aux alentours des 900m.   Étant donné le climat du jour, ce seront les seuls que nous verrons...






















Nous voilà de nouveau dans des escaliers à n’en plus finir... des pentes à 45°... Nous ressentons de façon significative que l’oxygène se fait moins abondant à 3000m. Petit mal de tête pour certains, difficultés plus prononcées que la veille à suivre la cadence pour d’autres, la respiration dans l’effort se fait allaitante. Pour preuve les bouteilles d’eaux entamées déformées par le phénomène. L’ascension de la dernière partie s’avère plus difficile que ce que nous avions prévu, c’est très bien, nous n’en serons que plus heureux arrivés au sommet. La joie est toujours à hauteur de la difficulté.
Nous traversons maintenant Jieyin palace, puis le temple de Taiziping.





L’arrivée au sommet
    Deux heures de marches plus haut, voilà enfin le grâle ! Le pic Jinding (le sommet d’or) avec la gigantesque statut d’or du bodhisattva* Puxian*普賢 assis sur l’éléphant blanc qui dit-on, est le même que celui apparu devant la mère du bouddha Shakiamuni (le bouddha des origines) afin de lui annoncer l’arrivée de ce dernier...  Du haut de ses 48 mètres (représentant les 48 vœux du bouddha Amithaba) le bodhisattva d’or aux huit faces, considéré comme étant la plus grande statut en or du monde, veille sereinement sur les huit points cardinaux. J’avoue avoir eu des frissons arrivant au sommet en l’apercevant. Quelques secondes d’émotion, ça y’est, nous y sommes... Un grand soleil ici, surplombant une mer de nuages les falaises de Sheshen, la chaîne himalayenne en face de nous... Quel spectacle splendide...





Maintenant, il est l’heure de témoigner notre respect au bouddha, 3 bâtons d’encens chacun, 3 prosternations... Je réitérerai le geste dans les quatre points cardinaux en arrivant au temple d’or derrière l’immense statut.



Il est également temps de faire les photos d’usage muni du drapeau que j’ai préalablement fait faire à Foshan pour l’occasion en guise de commémoration du pèlerinage aux sources de notre style. A cet instant, tout le monde est heureux, je ressens la joie, la satisfaction et l’émerveillement de l’ensemble du groupe. Ce fût difficile et comme je le disais plus haut, le plaisir n’en est que plus intense. Le rêve était accompli, nous avons marchés sur les pas de Pakmei....



Après un bon repos au sommet et une collation, nous redescendrons à pied les 8km qui nous ramènent à la station de bus vers les 17h, les derniers km effectués sous une petite bruine.  Nous avons de la chance la météo a été très clémente avec nous, le lendemain s’avérera être une journée au climat horrible. Dans mon cas, la descente fut difficile pour les genoux.

Finalement
    Nous avons parcouru un total de 32km sur deux jours, marchés plus de 13h, grimpés un nombre incalculable de marches entraînant une fatigue physique saine. Nous avons traversés le ciel couvert du premier jour, la forêt brumeuse du second et finalement avons rencontré le soleil éclatant du sommet. Le seul bémol est de n’avoir pu apercevoir « la lumière du bouddha », le phénomène naturel unique du sommet grâce auquel les pèlerins peuvent apercevoir leur reflet dans les nuages lorsque toutes les conditions le permettent. Par le passé, de nombreux pèlerins se jetaient dans le vide y voyant un appel du bouddha à venir le rejoindre.

Partager cette aventure avec quelques élèves fut un plaisir, préparé depuis longtemps, une magnifique expérience de vie... Nous rentrons maintenant en France, après une soirée arrosée au bas de la montagne, retour en France pour reprendre l’entrainement !


*Terre pure : Bouddhisme populaire, créé pour la masse. Les pratiquants de cette école focalisent leur pratique sur la récitation du nom du bouddha Amithaba. Par se biais, ils désirent le jour de leurs mort renaître dans le monde de la terre pure et être accueilli par le bouddha Amithaba et ses bodhisattvas. On dit que c’est le Bouddhisme le plus simple, pour les gens simple, mais que (contrairement au Bouddhisme Chan, le zen), l’état d’éveil est accessible à tous sur la durée. 

*Bodhisattva : Personne ayant atteint la « bodhéité », l’état d’illumination du bouddha, mais qui ai choisie de se réincarner éternellement afin de continuer d’aider tous les hommes à sortir du cycle des réincarnations (Samsara).


* Puxian : Samantabradha en sanscrit qui est le protecteur des diffuseurs de l’enseignement du bouddha.